«On peut dire qu'ils en ont fumé du bon!» Dixit Yves Francoeur, le président de la Fraternité des policiers de Montréal, qui réagissait au rapport Ménard.

Il y en effet de quoi rire à la lecture de la recommandation qui suggère que les policiers soient équipés d'un dictaphone pour enregistrer les circonstances qui motiveraient le recours à la force.

«Ici le matricule 2345, il est minuit et demi, je suis rue St-Urbain, des manifestants qui paraissent être membres du Black Block se ruent vers moi, ils commencent à me lancer des briques...». Un carnet de notes avec ça?

La Commission d'enquête sur les événements du printemps rouge recommande d'autres mesures plus sensées, susceptibles de concilier le droit de manifester et le contrôle des foules, mais plusieurs sont des généralités ou des voeux pieux qui ne valent pas les 800 000$ qu'a coûté cet exercice.

Ce qui frappe surtout, c'est son parti-pris éhonté. Sa trame se lit comme un joli roman: d'un côté des policiers brutaux et un gouvernement incompétent et liberticide, de l'autre des groupes d'étudiants idéalistes et pacifiques, alors qu'en réalité, les leaders étudiants n'ont jamais caché leur refus de la négociation.

L'aspect le plus ahurissant de ce rapport est de passer complètement sous silence l'instrumentalisation que l'opposition officielle a faite de la fronde étudiante. Pas un mot sur le PQ! Gommée, aussi, l'ampleur du soutien des centrales syndicales à la contestation.

Nul n'ignore, pourtant, que l'appui militant du PQ et des centrales à la fronde étudiante a été l'élément qui a fait dégénérer et perdurer le conflit, et transformé une contestation initialement basée sur des revendications corporatistes en une vaste opération politique dont l'objectif était de démolir la crédibilité du gouvernement.

Les commissaires parlent sans cesse de «manifestations pacifiques», comme si les casseurs qui les parasitaient formaient un petit groupe à part, aisément identifiable, qu'on aurait pu facilement encercler pour préserver le droit des autres à manifester. Les commissaires n'ont-ils jamais entendu parler de la méthode classique de l'infiltration? Comment des policiers exténués et débordés pouvaient-ils distinguer, dans le feu de l'action, un dangereux casseur d'un militant surexcité, alors qu'ils se confondaient dans la même foule?

Aux omissions suspectes, s'ajoutent les faussetés. Ainsi, le rapport dénonce «l'absence d'explication publique» pour justifier la hausse des droits de scolarité... Aveuglement partisan ou mauvaise foi? Les médias ont été bourrés pendant des mois d'études et de réflexions documentées sur la nécessité d'une hausse, tant pour des motifs économiques que par souci d'équité sociale!

Les commissaires ont préféré s'accrocher aux basques d'un Claude Castonguay encore accroché au rêve de la gratuité des années 60, auquel ils ont aussi emprunté l'idée que le gouvernement aurait dû accepter une médiation, et ce, bien que sa position sur les droits de scolarité ait eu l'appui d'une majorité de la population (mais de cela, bien sûr, le rapport n'en parle pas).

On pouvait difficilement s'attendre à une étude objective de la part d'une commission constituée d'un ancien ministre péquiste et ex-député bloquiste, et d'une ancienne présidente de la CSN qui avait activement soutenu les carrés rouges (on ignore les penchants du troisième larron, un juge à la retraite).

Ce qui surprend, toutefois, c'est qu'un ancien ministre et un juge aient la légèreté de recommander que les gouvernements élus soumettent leurs mesures budgétaires à la médiation, pour peu que des groupes de pression bloquent l'espace civil et harcèlent la population. Cette approche est foncièrement antidémocratique, et le message, pernicieux: à ce jeu, seuls ceux qui peuvent prendre la rue par la violence sortiraient gagnants d'un affrontement politique.