Et voici donc Pierre Karl Péladeau, le patron tout-puissant de Québecor, ravalé au rang de député d'arrière-banc dans un parti défait à plate couture... une hypothèse qu'il n'avait sans doute pas envisagée quand il s'est lancé en politique. Les sondages prédisaient alors une majorité pour le Parti québécois, il allait être à la tête d'un super-ministère économique...

À défaut de cela, n'aurait-il pas préféré être battu dans son comté pour retourner à ses affaires et planifier, en réserve de la République, la suite de sa carrière politique?

En revanche, la défaite du PQ facilite ce qui était son projet ultime, soit de devenir le prochain chef du PQ et idéalement le président fondateur d'une hypothétique République du Québec - un objectif qui aurait été reporté d'au moins quatre ans si Mme Marois avait été ramenée au pouvoir avec une majorité. Aujourd'hui, la place est libre, et ses hommes sont à lui paver la voie.

Comme le rapportait notre collègue Denis Lessard, le PQ est aujourd'hui aux mains de ses partisans. Stéphane Bédard, le nouveau chef intérimaire du parti, est le frère d'Éric, un avocat très proche de PKP. Un autre frère Bédard, Maxime, est vice-président aux affaires juridiques de TVA. Un autre proche du chef intérimaire est Maxime Tremblay, vice-président de Québecor...

Stéphane Bédard a d'ailleurs été l'artisan de la décision du PQ d'appuyer l'octroi de 200 M$ de fonds publics au projet d'amphithéâtre de M. Péladeau - une manoeuvre qui avait fait éclater le caucus péquiste.

Qui contrôle l'appareil du parti contrôle aussi, dans une bonne mesure, le processus d'élection d'un futur chef. La fratrie des Bédard (fils de l'ancien ministre Marc-André Bédard), signale Denis Lessard, n'en est pas à sa première expérience du genre, s'étant activée en 2005 à faire élire André Boisclair à la tête du PQ.

Les Lisée et les Drainville, qui ont pourtant la dent longue, risquent d'en arracher devant cette armada. Quant aux gentilles personnes que sont Véronique Hivon, Alexandre Cloutier ou Sylvain Gaudreault (que certains voient comme de possibles aspirants), elles se feront avaler tout rond par la machine qui roulera pour PKP. À moins évidemment qu'un sursaut de révolte se produise parmi les membres de ce parti réputé pour ses tendances rebelles et sa solide méfiance envers ses dirigeants.

Mais le PQ d'aujourd'hui n'est plus ce qu'il était, et le simple fait que des péquistes de gauche comme Louise Harel et Marc Laviolette - sans parler de l'arbitre suprême qu'est Jacques Parizeau - aient salué avec joie l'arrivée de PKP indique que le PQ est prêt à renier ses valeurs historiques pour se jeter dans les bras d'un homme qui incarne l'extrême droite du patronat québécois tout autant que le nationalisme ethnique d'antan (M. Péladeau a déjà déploré que le club des Canadiens n'appartienne pas à des Québécois... alors que la famille Molson est établie au Québec depuis 1782!).

C'est d'ailleurs sans états d'âme que le PQ, à son dernier conseil national, a laissé tomber son projet anti-briseurs de grève pour accommoder celui que l'on a surnommé, dans la foulée des violents conflits des quotidiens de Québecor, «le roi des lock-out». Pour bien des péquistes, PKP est la dernière carte à jouer dans la quête de la souveraineté...

Quel est l'avenir politique de celui que Le Nouvel Observateur décrit comme le «joker bronzé aux yeux bleus et au sourire Colgate» et que Pauline Marois avait «tiré de sa manche» ?

On sait qu'il est piètre orateur. Cet homme que ses proches décrivent comme impulsif et à l'occasion colérique, habitué à tout contrôler et à ne travailler qu'avec des gens qu'il a choisis, saura-t-il s'adapter à l'univers politique? Qui vivra verra.