La campagne péquiste s'est close sur une autre de ces erreurs de jugement dont elle a été truffée. Avant même que Mme Marois n'annonce sa démission, et peut-être pour illustrer qu'il y a une relève au PQ, le parti a donné le micro aux trois hommes renommés comme des aspirants au leadership!

Après avoir distribué les louanges d'usage à leur chef, ils se sont lancés chacun leur tour dans des discours enflammés qui ressemblaient à s'y méprendre au signal de départ d'une course au leadership.

Les trois analystes de Radio-Canada, tous de vétérans journalistes, étaient bouche bée. «Indécent», «déplacé»... la scène était en effet du plus mauvais genre. Tant qu'à vouloir réunir une équipe pour accompagner Mme Marois vers la sortie, il fallait faire monter au podium tout un groupe de députés, pas seulement ceux dont on sait qu'ils lorgnent le leadership!

Le plus désolant, c'est qu'aucun, parmi les trois présumés aspirants, n'a paru le moindrement sensible à la signification de ce résultat électoral. Ils étaient en plein déni, résolus à continuer sur la même voie, sans s'arrêter pour s'interroger sur le verdict populaire... comme si rien ne s'était passé!

PKP a mis la pédale douce sur sa tendance naturelle à l'emportement, quoiqu'à un moment donné, il ait fait mine de lever le poing, s'arrêtant de justesse avant de répéter l'épisode fameux qui a mis le feu aux poudres.

Jean-François Lisée a adopté un ton un peu plus rationnel, tandis qu'un Bernard Drainville défait a joué les tribuns: «On ne lâchera jamais! Le projet souverainiste, on va continuer à le porter! On veut un pays!». Et les militants, sortant de la léthargie où venait de les plonger ce naufrage inouï, de reprendre le slogan...

Cette finale était toute une contradiction, venant juste après une campagne électorale où les ténors péquistes s'étaient évertués à mettre l'indépendance sous le boisseau et à promettre qu'il n'y aurait pas de référendum dans un avenir prévisible. Bref, on roule la souveraineté sous le tapis quand il est question de solliciter des votes, et on la ressort triomphalement une fois passé l'exercice électoral.

C'est ce genre de double langage que beaucoup d'électeurs ont répudié lundi. On a beau savoir depuis toujours que le PQ, muet sur l'indépendance en période électorale, ressort triomphalement l'étendard dès qu'il arrive au pouvoir, à la longue ce petit jeu finit par lasser. Nombreux sont ceux qui ont déjà vu le film, et qui ne croient plus le PQ quand il leur dit qu'il ne fera jamais de référendum tant qu'ils ne seront pas «prêts».

Ce scepticisme devant une promesse plusieurs fois trahie, devant un discours qui ne joue jamais franc-jeu, devant des stratégies visant toutes à contourner les réticences profondes de la majorité, devant des questions référendaires ambivalentes et trompeuses, André-Philippe Côté l'a exprimé génialement par cette caricature où l'on voit des homards tourner autour d'une cage ouverte sur laquelle est épinglée cette note: «Entrez quand vous serez prêts»...

La victoire du PLQ est d'abord et avant tout la défaite du PQ, tant il est vrai que ce sont les gouvernements qui se battent eux-mêmes. Indépendamment des performances fort honorables de MM. Couillard et Legault, le PLQ a gagné haut la main surtout parce qu'il n'était pas le PQ, et pour la même raison, la CAQ a remonté la côte.

Quant à Québec solidaire, ses leaders avaient beau pavoiser comme s'ils venaient de décrocher le gros lot, ses résultats n'ont rien d'étincelant. C'est à l'arraché qu'ils ont acquis un troisième siège, et leur pourcentage du vote populaire n'a augmenté que de 6,3 à 7,6%! Rien d'étincelant...