Si le Parti québécois devait être réélu avec une majorité (rien n'étant à exclure d'ici au 7 avril), on assisterait à une lutte sans merci entre souverainistes pressés et souverainistes prudents.

Les premiers, conduits par Pierre Karl Péladeau et Jacques Parizeau, réclameraient un référendum de la «dernière chance». Le temps presse, diraient-ils, car la démographie joue contre l'option, et tant pis si toutes les «conditions gagnantes» ne sont pas réunies.

Ils prêcheraient une approche volontariste dans l'espoir qu'une atmosphère de mobilisation, conjuguée aux conflits avec le Canada anglais qu'un gouvernement péquiste ne manquerait pas de provoquer, leur permettraient d'aller chercher les 50 000 votes qui leur ont échappé au référendum de 1995.

Les souverainistes prudents, menés par Pauline Marois, feraient valoir qu'en l'absence de «conditions gagnantes» (soit une remontée substantielle de l'option dans les sondages), pareille initiative serait trop risquée.

Nul ne sait comment cette lutte intestine se résoudrait, mais on en entendrait beaucoup parler, et cela imprègnerait toute l'action d'un éventuel gouvernement majoritaire du PQ.

Il ne serait pas surprenant que cette division fondamentale mène à une scission au sein du parti, tant il est vrai que pour les militants «pressés», un référendum devrait obligatoirement être tenu dans ce premier mandat majoritaire, sous peine de voir l'option enterrée à jamais.

Un élément, toutefois, devrait tempérer l'ardeur des souverainistes pressés. Certes, ils pourraient miser sur l'absence des grands ténors fédéralistes qui étaient à l'oeuvre en 1980 et en 1995, mais ils feraient face à un obstacle de taille, qui n'existait pas en 1995: la question, cette fois, devrait être claire.

Claire, c'est-à-dire non ambiguë: plus question de jouer sur les mots en faisant miroiter le mirage d'une «association» ou d'un «partenariat» avec le Canada. Ce sera simple et net, du genre «Souhaitez-vous que le Québec devienne un pays souverain?». Point à la ligne.

Ce changement aux conséquences considérables provient de trois sources: la décision de la Cour suprême, la loi fédérale sur la clarté qui s'en est suivie, et l'exemple de l'Écosse, où le référendum sur la souveraineté portera sur une question claire, dont le libellé a au surplus fait l'objet d'une entente entre Édimbourg et Londres: «L'Écosse, demandera-t-on, devrait-elle être un pays indépendant?».

C'est sans compter l'exigence de l'Union européenne dans le cas du Monténégro, qui a obligé les deux camps à s'entendre sur les modalités du référendum tenu en 2006.

Ce sont ces balises désormais incontournables qui guideront l'opinion internationale quand il s'agira de reconnaître le résultat d'un autre référendum québécois.

Les souverainistes eux-mêmes semblent s'être résignés à éliminer toute ambigüité d'une future question, même s'ils restent opposés mordicus à la seconde exigence (une majorité «claire», donc nécessairement bien au-delà du seuil de 50% plus une voix).

D'ailleurs, les firmes de sondage ont cessé d'inclure la notion d'association ou de partenariat dans leurs questionnaires. Cela a fait baisser l'appui à la souveraineté à 38% en moyenne, selon la sociologue Claire Durand de l'Université de Montréal, qui a analysé tous les sondages tenus entre 1976 et 2008.

«Deux conditions, écrivait-elle récemment dans La Presse, ont permis à la souveraineté de dépasser le seuil de 50%: un affrontement constitutionnel, et l'inclusion dans la question d'une association ou d'un partenariat avec le reste du Canada.

«Sans l'association, l'appui à la souveraineté baisse en moyenne de sept points, et de 10 à 20 points si la question porte sur l'indépendance ou la séparation» (plutôt que sur le concept plus vague et rassurant de «souveraineté»).

À méditer...