C'est à un vaste front commun des universités que va se heurter le gouvernement Marois avec son projet de Charte.

Avec le «non» de l'UQAM, une institution très proche du PQ, l'opposition prend un tour de plus en plus embarrassant pour le ministre Drainville, même si ce dernier, continuant à siffler dans le cimetière, semble ne voir aucun problème à ce que son projet de loi soit honni par tant d'institutions-clés, des municipalités montréalaises au monde hospitalier et aux enseignants de la métropole.

Sans surprise, McGill, Bishop (et sûrement Concordia demain) ont pris position, la rectrice de McGill, Suzanne Fortier (une Québécoise née à Saint-Timothée) affirmant que les dispositions coercitives de la Charte entraîneraient une fuite des cerveaux. Sans surprise non plus, l'Université de Montréal a emboîté le pas avec une résolution de ses instances.

L'opposition de l'Université de Sherbrooke a étonné un peu plus, dans la mesure où cette université est devenue, depuis quelques années, une sorte d'annexe des gouvernements tant libéraux que péquistes, qui lui ont emprunté plusieurs ministres et experts-conseils. Mais la rectrice Luce Samoisette a été très claire: la clause sur les signes ostentatoires, «c'est inapplicable».

Il serait surprenant que l'Université Laval fasse cavalier seul, au risque d'avoir l'air d'une institution «provinciale» attelée aux dictats gouvernementaux plutôt qu'aux principes qui devraient guider les institutions de haut savoir. On peut également s'attendre à ce que l'Université du Québec à Chicoutimi soit sur la même longueur d'onde que son plus célèbre chercheur, le professeur Gérard Bouchard.

On sait que le PQ n'a pas cessé, depuis la fronde des carrés rouges, de se moquer des universités, mais ici, l'enjeu est plus grave. L'opposition de la quasi-totalité de la communauté universitaire va faire boule de neige à travers le monde, les universitaires étant des gens qui voyagent partout et font partie de réseaux internationaux autrement plus crédibles que Twitter et cie.

La position dont le recteur de l'UQAM, Robert Proulx, a fait part au Devoir, est très ferme.

Tout en martelant que l'UQAM a toujours été une institution laïque qui reconnaît l'égalité homme-femme (cela va sans dire!), M. Proulx affirme que l'interdiction des signes religieux va «à l'encontre de (la nature) même des universités et des principes de liberté académique» et constitue une ingérence caractérisée dans la gestion des universités. Une ingérence pas plus acceptable, dit-il en substance, que si le gouvernement entendait dicter aux professeurs «comment penser et préparer leurs cours».

«Le rôle des universités, dit-il, est d'assurer le progrès social et ça se fait par une pratique d'ouverture, et ça implique le respect absolu de la liberté de conscience.»

A ce plaidoyer, le ministre Drainville répond platement que «les universités font partie de l'administration publique au sens large» et rappelle comiquement que la Charte fait exception pour les facultés de théologie! De toute évidence, le ministre ne comprend pas le sens de l'expression «liberté académique».

Cela dit, les universités ne sont pas un cas à part. Même si les aspects coercitifs de la Charte seraient particulièrement nocifs pour la recherche universitaire, ils sont tout aussi inacceptables dans les autres secteurs, y compris dans l'enseignement primaire et secondaire.

L'ancien chef du Bloc Gilles Duceppe l'a très bien dit: «Les enseignants ne sont pas les représentants de l'État». Heureusement!, faudrait-il ajouter. Ce n'est que dans les sociétés totalitaires que la classe dirigeante s'arroge le droit de régir les esprits.

Si jamais cette Charte devait devenir loi, il faudrait s'attendre à de très vastes mouvements de désobéissance civile, lesquels commenceront probablement sur les campus universitaires, avec les conséquences prévisibles pour l'image du Québec.