Ceux qui, comme moi, ont adoré Le Vendeur de Sébastien Pilote, aimeront tout autant Le démantèlement, présentement à l'affiche.

Ce n'est pas la moindre distinction de ce jeune cinéaste que d'avoir donné à d'excellents comédiens comme Gilbert Sicotte (le vendeur du film éponyme) et Gabriel Arcand le rôle de leur vie. Arcand a failli se désister, car il n'avait rien en commun, croyait-il, avec ce personnage d'éleveur de moutons... Il l'incarne pourtant magistralement, avec une sensibilité à fendre l'âme.

Ce qui séduit, bien sûr, dans les films de Pilote, ce sont la beauté des paysages saguenéens, le regard affectueux posé sur leurs plus modestes habitants, et surtout la texture intime de ces oeuvres, tout en émotions contenues et en lenteurs lourdes de sens. Chez Pilote, même l'humour, très présent, est d'une subtilité peu courante.

Chose rarissime au Québec, ces deux films sont aussi de très beaux portraits d'hommes mûrs. Des hommes qui n'ont rien à voir avec les caricatures qu'une lancinante propagande axée sur le mépris des hommes a imposées à l'imaginaire québécois.

Les deux héros de Pilote sont à mille lieues des maris abuseurs, des pères absents, des métrosexuels inconsistants et des petits hommes roses plus-féministes-que-les-féministes qui peuplent une grande partie des oeuvres d'ici, dans ce Québec qui se plaît depuis 40 ans à dénigrer les valeurs masculines traditionnelles.

Des valeurs que les deux héros de Pilote incarnent admirablement: le courage physique doublé d'un certain stoïcisme moral, l'ardeur au travail, l'esprit d'initiative, le sens des responsabilités et le désir de protéger les siens - un désir qui, dans le cas de Gaby, ira jusqu'au sacrifice ultime.

Les deux héros de Pilote vivent pour leurs filles sans par ailleurs vouloir les dominer (il n'y a pas une once de sexisme dans leur comportement). Leur sentiment paternel, intense, se manifeste avec pudeur et en peu de mots.

De même, devant l'épreuve, ils pleurent comme le font les vrais hommes dans la vraie vie: en retenant les larmes, sans se complaire dans le chagrin, en luttant contre la faiblesse momentanée qui risque d'abîmer l'image de force qu'ils doivent projeter. Ce réflexe n'est pas de la vanité: l'homme veut être fort, pour protéger et rassurer les siens - un instinct animal et millénaire qui persiste malgré la révolution féministe.

De telles réflexions ne sont peut-être pas à la mode, mais à vrai dire, je ne connais pas une seule femme, quelque soit son âge, qui ne souhaiterait pas partager sa vie avec ce genre d'homme-là: un homme capable de concilier les vertus anciennes avec la vision moderne et égalitaire des sexes.

«L'image de pères aimants et aimables est moins forte que celle des mères», disait récemment le cinéaste en interview. C'est peu dire!

Qui sont les hommes, dans la culture québécoise? Des personnages falots ou lâches (Michel Tremblay), des êtres déboussolés en quête d'une identité masculine (L'Âge des ténèbres), ou alors des aventuriers séduisants mais irresponsables comme le Survenant, Alexis (Un homme et son péché) ou Ovila (Les filles de Caleb)...

L'image de la mère a été omniprésente dans l'histoire d'une société profondément marquée par le matriarcat (le matriarcat étant la face inverse du patriarcat, à l'époque où l'homme dominait la sphère publique tandis que la femme régnait sans partage sur le foyer).

Elle a ensuite été renforcée et magnifiée par un courant féministe radical qui rabaissait l'homme pour mieux élever la femme.

Pourtant, l'autonomie des femmes ne repose pas sur la faiblesse des hommes! Il s'agit au contraire d'un nouveau partage du monde basé sur l'amour et le respect mutuel.