Denis Coderre est le voisin idéal: un type serviable, toujours de bonne humeur, pas intimidant mais pas envahissant. Mais un bon voisin fait-il nécessairement un bon maire?

Dans la salle de réunion de La Presse où l'a convié l'équipe éditoriale, il dépose sa courte et corpulente personne sur un fauteuil, sûr de lui, mais pas arrogant.

Et surtout, politicien jusqu'au bout des ongles. On lui demande quels sont les personnages politiques qu'il admire. Un autre tenterait de vous impressionner en mentionnant de Gaulle, Mandela ou Jules César...

Lui, l'homme de la proximité, répond en mentionnant des gens qu'il a connus personnellement... mais dont l'évocation lui donne en même temps l'occasion de marquer des points politiques: Jean Chrétien, l'homme qui promettait peu et a «livré» beaucoup - «low expectations, high delivery» (son modèle).

Ou alors il évoque ce haut gradé américain avec lequel il a négocié au Comité international olympique, ce qui rappelle opportunément qu'en tant que ministre des Sports il a amené l'agence antidopage à Montréal...

En entrevue, il met la pédale douce sur sa propension à faire des blagues de café du commerce. Contrairement à l'image caricaturale qu'il projette, il s'exprime très correctement, par phrases complètes, sans pauses incongrues, dans un bon français. (Je le note, car ce n'est pas si courant chez nos politiciens).

Contrairement à un Coderre souvent réticent à préciser ses plans (s'il en a), Richard Bergeron, lui, a tout un catalogue d'idées précises, d'aucuns diraient fixes. C'est un homme que le doute semble n'avoir jamais effleuré. Sa rigidité, son dogmatisme, son incapacité à accepter d'autres points de vue, voilà qui rend le personnage fort inquiétant. C'est l'antithèse du leader pragmatique et rassembleur dont Montréal a besoin. Et il traîne comme un boulet le bilan ubuesque du Plateau, seul arrondissement entièrement contrôlé par Projet Montréal.

Marcel Côté a un gros CV. Un spécialiste de la gouvernance, qui a conseillé trois premiers ministres (sans qu'on sache toutefois avec quels résultats). Le problème c'est que rien dans cette carrière par ailleurs brillante ne laisse croire qu'il soit un leader naturel, encore moins un négociateur, dans la mesure où un expert-conseil, après avoir prodigué ses avis, repart avec ses dossiers sans avoir à en négocier l'application. Chose certaine, il a montré durant la campagne qu'il n'a guère d'instinct politique, une qualité essentielle pour le futur maire de Montréal.

Mélanie Joly a un aplomb inversement proportionnel à son expérience politique, mais on ne la voit pas à la mairie, pas encore en tout cas.

Denis Coderre a sur ses concurrents l'avantage d'avoir du leadership, de l'expérience politique et la capacité, déjà démontrée, de rassembler des gens d'opinions et d'horizons divers, de même que le savoir-faire politique nécessaires pour nouer des alliances, et établir au profit de Montréal des rapports de force avec la banlieue, Québec et Ottawa.

Un maire politiquement habile, cela serait, ma foi, une nouveauté, après ceux qu'on a eus depuis Jean Drapeau: un Doré trop technocratique, un Bourque trop zen, un Tremblay trop faible...

«C'est un homme de bonne volonté», dit l'écrivain et cinéaste Jacques Godbout, qui a gardé contact avec lui après un tournage parce qu'il trouvait ce jeune politicien intéressant. Pour lui, Coderre a été sous-estimé par l'intelligentsia montréalaise à cause de son style populiste.

En revanche, il risquerait plus que d'autres de tomber dans le piège de la démagogie. Ce voisin si convivial a terriblement besoin d'être aimé. Pourra-t-il prendre des décisions difficiles, au risque de voir s'éroder le capital de sympathie auquel il carbure avec tant de plaisir? On ne peut que se croiser les doigts.