C'était écrit dans le ciel: la charte ouvrirait la porte à l'expression ouverte de l'islamophobie, comme cela s'est produit dans un centre commercial de Québec (il y a sûrement eu d'autres incidents semblables, non rapportés).

Bien sûr, aucun ministre péquiste n'a tenu de propos agressifs envers les musulmans (le contraire aurait été immonde). Mais quand on veut interdire le foulard islamique sous prétexte que cela crée «un malaise», quand on dit que les enfants pourraient être «influencés», voire traumatisés, par la vue d'une enseignante ou d'une animatrice en hijab, il est bien évident que le message est clair: le foulard crée un «malaise», c'est donc que le gouvernement trouve normal que l'on soit irrité à sa vue. Le gouvernement se trouve ainsi à cautionner les pires préjugés alors que sa responsabilité serait de les combattre.

Il était aussi écrit dans le ciel que les intégristes musulmans tenteraient de récupérer à leurs propres fins le débat en cours... ce qui s'est produit samedi, alors que la manifestation contre la charte était menée par des personnages comme Adil Charkaoui et Salam Elmenyawi.

Ce dernier réclame l'implantation d'un tribunal islamique pour appliquer la charia au Québec, et souhaitait récemment la venue de prédicateurs islamistes extrémistes. Quant à M. Charkaoui, il a été arrêté en 2003 en vertu d'un certificat de sécurité. Il était soupçonné de visées terroristes à Montréal et d'association avec Al-Qaïda. Libéré depuis, il réclame 26 millions$ du gouvernement canadien. Il est le chef autoproclamé d'un «collectif» sans statut légal qui semble ne compter aucun autre membre que lui-même.

Ces messieurs prétendaient regrouper sous leur houlette les sikhs et les juifs pour la marche de samedi... une marche qui tombait le jour du Yom Kippour, la fête la plus sacrée du judaïsme! De toute évidence, la communauté juive n'avait pas été consultée sur le choix de la date. D'ailleurs, ses porte-parole ont fait savoir qu'ils ne seraient jamais «cooptés ou manipulés par des organisateurs qui comprennent des intégristes religieux radicaux». Bien dit.

On ne pouvait certainement pas s'attendre à ce que la communauté juive s'allie à des fanatiques dont le grand rêve est la destruction d'Israël, même si ce genre d'arrière-pensée n'était pas le fait des musulmans ordinaires qui ont manifesté de bonne foi.

Il serait toutefois fort salutaire que la communauté musulmane se donne des leaders plus modérés pour poursuivre sa lutte légitime contre la charte.

Pour les musulmans antisionistes, cette charte a dû constituer un choc de taille, habitués qu'ils étaient à voir le Québec francophone se faire le champion tous azimuts de la cause palestinienne. À chaque offensive israélienne contre le Liban ou Gaza, des souverainistes ont défilé sous la bannière du drapeau palestinien, insensibles aux slogans judéophobes qui les entouraient.

Les juifs, au contraire, n'auront pas été surpris outre mesure par le camouflet que constitue l'interdiction de la kippa. Ils avaient moins d'illusions parce loin d'être des immigrés, ils forment une ancienne minorité marquée par les années où le nationalisme ethnique charriait un torrent d'antisémitisme.

En outre, à l'exception des sépharades (de langue maternelle française) et des hassidim, qui vivent dans leur bulle, les jeunes juifs ont déserté le Québec à cause du climat politique et du déclin de l'économie - et ce, d'autant plus qu'ils sont généralement instruits et mobiles. L'ancienne communauté juive ashkenaze, aujourd'hui, est faite de couples vieillissants dont les enfants et les petits-enfants sont à Toronto ou New York...

Ces départs furent une énorme perte pour le Québec. N'allons pas faire fuir, cette fois, les jeunes familles arabes et musulmanes!