S'il n'en avait tenu qu'à Projet Montréal et Vision Montréal, la métropole serait devenue la seule grande ville où l'on aurait le droit de manifester avec un masque et sans divulguer l'itinéraire à la police.

Cela en dit long sur le jugement de ces édiles, qui préfèrent s'allier à des gens dont le seul but est de provoquer la police pour ensuite aller jouer les martyrs, plutôt que d'écouter la voix des citoyens qui ne veulent plus abandonner leurs rues aux casseurs.

Grâce aux indépendants, la motion a été rejetée, mais par dix voix seulement. Navrant.

On a vu de quel bois se chauffent les adversaires de P-6 le jour où Denis Coderre a annoncé sa candidature à la mairie. Deux hommes masqués se sont plantés derrière lui. De l'intimidation pure et simple!

Pourquoi un masque, sinon pour cacher son identité ou intimider la population? D'ailleurs, la popularité de la tactique du port du masque a coïncidé avec l'apparition du Black Block, qui ne carbure qu'à la violence.

On dira que le masque peut être un objet ludique. Bien sûr! À la Saint-Patrick, à l'Halloween, au Gay Pride Day... Mais pas dans une manif à contenu revendicateur. De toute façon, à moins d'être vraiment débile, n'importe qui (même un policier!) est capable de faire la différence entre un joyeux loustic et un individu déguisé en Warrior.

Quant à la divulgation de l'itinéraire, cela se fait dans toutes les grandes villes. Dans bien des cas, on exige que le parcours soit non seulement divulgué, mais négocié avec les autorités, et ce, plusieurs jours avant la date prévue.

Prenons l'exemple de Paris, qui en vaut bien d'autres car la France, restée révolutionnaire en son for intérieur, n'est pas avare de manifestations. (Ironiquement, la gauche défile habituellement sur la rive droite... et la droite, sur la rive gauche!).

Chaque fois, l'itinéraire est négocié avec les autorités, qui bloqueront les rues adjacentes au parcours et détourneront les autobus pour laisser la voie libre aux manifestants, limitant ainsi les perturbations et les risques de violence.

Or, tous les partis et les groupes de pression parisiens, incluant les extrémistes de droite ou de gauche, se plient au règlement sans ronchonner, nombreux étant ceux qui prévoient en outre l'encadrement d'un service d'ordre interne. Les tactiques de guérilla de mai 68, à la fois cause et effet de la brutalité inouïe des CRS, sont pour l'essentiel chose du passé.

Rien ne justifie qu'un itinéraire soit gardé secret... sauf évidemment si l'on veut compliquer le travail de la police, multiplier les occasions d'affrontement, s'attaquer à des commerces ou à des sièges sociaux, bref prendre par la force le contrôle de l'espace public.

L'annonce de la candidature de M. Coderre a également été marquée par la tentative de sabotage du Frapru, dont une trentaine de militants a couvert son discours de huées et d'insultes - une manifestation d'autant moins compréhensible que l'ex-député fédéral n'a jamais rien fait contre le logement social.

Le Frapru est dirigé depuis 27 ans par le même homme, François Saillant, et reçoit de Québec, comme nous l'apprenait cette semaine Michel Hébert du Journal de Montréal, 105 000$ par année. Depuis quand les organismes subventionnés ont-ils le droit de se lancer dans des activités partisanes et de saboter l'exercice de la démocratie?

Comment expliquer, incidemment, qu'un organisme communautaire soit entre les mains d'un même homme depuis trois décennies? Il n'y a que trois hypothèses: soit M. Saillant est un homme exceptionnel que nul ne pourrait remplacer, soit il est un politicien extraordinairement habile, capable d'éliminer tous ceux qui prétendraient à son poste, soit le Frapru est une coquille à demi-vide où la relève ne se manifeste pas faute de militants.