La visite de Barack Obama en Israël tenait plus du voyage d'amitié que de l'opération diplomatique d'envergure. Sur le dossier palestinien, rien n'a bougé.

Il reste que le président américain est revenu à Washington avec une modeste victoire. Il a convaincu Benjamin Nétanyahou d'offrir ses excuses à son homologue turc pour le violent arraisonnement du navire turc qui a tenté il y a trois ans de forcer le blocus de Gaza. Ce geste s'inscrit dans le processus difficile mais essentiel du rétablissement des relations entre Israël et son puissant voisin musulman.

N'exagérons pas le rôle d'Obama. Déjà, il y a plus d'un mois, des diplomates des deux pays avaient amorcé des pourparlers pour paver la voie à une réconciliation. C'est dire que les deux gouvernements y voyaient leur intérêt.

Mais dans la voiture qui les ramenait à l'aéroport de Tel Aviv, Obama a obtenu de Nétanyahou qu'il téléphone à Recep Erdogan. Cette amicale poussée dans le dos de l'intransigeant premier ministre israélien a accéléré un processus déjà engagé - et qui est loin d'être terminé, tant les rapports des dernières années s'étaient gâtés, M. Erdogan allant récemment jusqu'à assimiler le sionisme à «un crime contre l'humanité».

Mais les fâcheries du passé perdent de l'importance dans la conjoncture actuelle. Avec la menace que fait peser l'Iran nucléarisé sur toute la région, l'effondrement dramatique de la Syrie et l'effarante plongée de l'Égypte dans la violence, une alliance entre Israël et la Turquie, les deux seules démocraties de la région, sera un facteur de stabilité, sans compter que le rétablissement de la coopération avec la Turquie constitue une assurance de taille pour le petit État hébreu isolé dans un environnement hostile.

Barack Obama a beau être à la tête de la plus grande puissance au monde, il n'est pas un magicien. Son fameux discours du Caire, en 2009, n'a pu faire débloquer le conflit israélo-palestinien, pas plus que son vibrant plaidoyer en faveur du peuple palestinien, dimanche dernier, ne pourra convaincre le gouvernement Nétanyahou de stopper les implantations juives en Cisjordanie.

Tout ce qui traîne se salit... ou s'affadit. La triste vérité est qu'après toutes ces tentatives de règlement avortées, le dossier palestinien n'est plus une priorité pour les Israéliens. Même la gauche délaisse la question, pour se mobiliser sur des enjeux d'ordre social, comme les inégalités, le chômage ou la lutte contre l'intégrisme envahissant des communautés hassidiques.

L'an dernier, des manifestations de style «Occupy» ont succédé aux grandes marches de naguère, qui réclamaient «la paix maintenant». Lors des dernières élections, on a beaucoup plus discuté des privilèges accordés aux hassidim (qui vivent aux crochets de l'État et sont exempts du service militaire) que de la question palestinienne.

Les Israéliens se croient moins menacés par le terrorisme. Le mur qui les sépare des territoires palestiniens, de même que le «dôme» censé intercepter les missiles en provenance de Gaza, leur procurent un sentiment de fausse sécurité. Dans un aveuglement analogue, les Palestiniens de Cisjordanie se vautrent dans les espoirs illusoires qu'a fait naître leur reconnaissance par l'UNESCO et les Nations Unies.

L'impasse reste entière, et rien ne pourra la dénouer... sauf la volonté des deux parties impliquées. L'Europe, aux prises avec ses propres démons, est plus impuissante que jamais. John Kerry, à qui Obama a délégué le dossier, pourra tout juste jouer un rôle d'aiguillon bienveillant.

Une lueur d'espoir, quand même: on dit que dans les coulisses, les deux frères ennemis se parlent, essaient d'aplanir le terrain...

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CORRECTION: Dans ma chronique de samedi dernier, il aurait évidemment fallu lire, concernant l'inculpation de Nicolas Sarkozy, «150 000» plutôt que «150 millions» d'euros.