La commission «Vérité et réconciliation», sur les pensionnats autochtones, était récemment au Québec. Vérité? Réconciliation? Ces grands mots masquent plusieurs réalités dont l'une est totalement occultée.

Première vérité: un certain nombre d'enfants autochtones ont été victimes d'abus qui ont brisé leur vie aux mains d'un certain nombre de religieux.

L'«autre» vérité, dont plus personne ne parle, c'est que dans ces communautés comme dans tout groupe humain, il y a eu des cas déviants, mais aussi du dévouement et des pratiques éducatives correspondant aux normes de l'époque. Qui peut croire que tous ces adultes étaient des pervers ou des tortionnaires?

C'est avec une immense amertume que Jacques L'Heureux, un missionnaire oblat de Marie Immaculée, recense les injustices accumulées dans ce qu'il appelle «le lynchage légalisé de toute personne, religieuse ou laïque, ayant déjà travaillé dans un pensionnat indien.»

Des personnes invariablement «présumées coupables», alors que «la quasi-totalité des anciens pensionnaires, eux, jouissent d'une absolue présomption de crédibilité».

Leur cause acceptée, les plaignants reçoivent une indemnité de 90 000$ en moyenne.

Sur la foi des 1650 dossiers (couvrant cinq pensionnats) qu'il a analysés, le missionnaire affirme que «la crédibilité des pensionnaires n'est jamais remise en cause, même si l'accusé n'était pas dans ce pensionnat à la même époque que le plaignant, ou, pire, même si le pensionnat n'avait pas encore été construit».

Vingt ans déjà que le père L'Heureux ramasse de ses confrères «à la petite cuiller». De vieilles personnes lâchées par le gouvernement et par la hiérarchie catholique, qui se voient «noircies par des accusations sans fondement», stigmatisées au soir de leur vie pour avoir été des batteurs d'enfants, des pédophiles ou des participants à un génocide culturel.

«Un cas de sévices physiques ou sexuels est un cas de trop, conclut le père L'Heureux,mais un cas de diffamation est aussi un cas de trop.»

La lettre de ce religieux m'a remis en mémoire les propos que tenait à Nathalie Petrowski le plus grand dramaturge autochtone du Canada, le génial Tompson Highway, en septembre 2009.

Highway est un ancien élève d'un pensionnat catholique où la langue crie était interdite.

À Nathalie qui évoquait les sévices dont il aurait été victime, il dit: «Arrêtez-moi toutes ces histoires d'abus! Je ne suis pas une victime, je suis un diplômé d'une école privée où j'ai appris à lire, à écrire et à parler anglais. Le plus grand agresseur dans cette histoire, ce ne sont pas les prêtres ni les soeurs, c'est la religion catholique qui interdit le plaisir.»

Quand il est monté dans l'hydravion qui l'arrachait temporairement à sa communauté isolée, son père, un chasseur de caribou, lui a passé le «message émotionnel» suivant: «Le monde est en train de changer, mon fils. Va à l'école, étudie, sois heureux, aventureux, et reviens-nous avec tout ce que tu auras appris.»

Mais le déracinement? demande Nathalie. «Quel déracinement? Chaque été, je revenais passer deux mois au Nunavut avec ma famille dans un domaine de 50 lacs à l'eau pure et buvable. Tous les jours, je partais en canot avec mon père pour pêcher pendant 14 heures. En connaissez-vous beaucoup, des petits garçons qui passent 14 heures par jour pendant deux mois avec leur père? Toute ma vie a été un miracle...»

Ce séjour au pensionnat lui a-t-il fait perdre sa culture? Allez voir ses pièces, vous y découvrirez la puissance originale d'un imaginaire tout droit dérivé de la culture crie.

Tompson Highway est-il une exception? Je serais portée à en douter.