Je parlais samedi de l'impossibilité d'amener le reste du Canada à s'engager dans des négociations constitutionnelles. C'est un premier problème, et celui-là est rédhibitoire, car pour négocier, il faut être deux.

Il y a un second problème, dont on ne parle jamais, mais que tous ceux qui se souviennent de l'après-Meech devraient avoir à l'esprit: c'est que toute nouvelle ronde de négociations se solderait inévitablement au désavantage du Québec.

Le statu quo est préférable à ce qui surgirait d'une hypothétique révision de la constitution.

L'accord du lac Meech (1987), produit d'une entente entre les gouvernements Mulroney et Bourassa ratifiée par les autres premiers ministres, était exclusivement axé sur le Québec et ne répondait qu'aux demandes du Québec. Ce ne serait pas le cas par la suite, comme on l'a vu lors des pénibles négociations menant à l'accord de Charlottetown.

Une fois Meech tombé (1990), il se produisit un vaste consensus: désormais, toutes les provinces, tous les territoires, toutes les Premières Nations, sans oublier tous les groupes d'intérêt, prendraient part au débat et avanceraient leurs propres revendications. L'époque où Québec pouvait dicter ses conditions à un gouvernement fédéral amical était révolue à jamais.

Les deux années suivant la faillite de Meech ne réjouirent que les constitutionnalistes professionnels et les amateurs de colloques, alors que tout ce qui grouillait et grenouillait dans le royaume profitait de ce grand brainstorming pour réclamer chacun son dû. Cette foire d'empoigne aboutit à l'accord de Charlottetown.

Le Québec voyait son statut de «société distincte» considérablement dilué par rapport à Meech. Il gardait ses trois postes à la Cour suprême et sa représentation minimale de 25% au parlement.

En revanche, les provinces de l'Atlantique y gagnaient le maintien de leur députation. Plus important, les provinces de l'Ouest avaient réussi à faire passer le fameux «Sénat triple E» (élu, égal et efficace). Pas besoin d'être un génie pour voir qu'une seconde chambre, décisionnelle celle-là, et dans laquelle chaque province aurait un nombre égal de sénateurs, tous investis de la légitimité électorale, affaiblirait considérablement la position du Québec.

Les Autochtones avaient gagné l'autonomie sur les réserves en même temps que le droit d'intervenir dans des ententes fédérales-provinciales, et pouvaient se soustraire à la Charte des droits. Le fédéral renonçait à ses pouvoirs de réserve et de désaveu, mais par contre, voyait augmenter son pouvoir de dépenser dans les champs de compétence provinciaux.

Le droit de retrait des programmes fédéraux avec compensation financière, privilège consenti par Meech au Québec, était octroyé à toutes les provinces.

Loin d'accorder, comme Meech, un droit de veto au Québec, Charlottetown en accordait un à toutes les provinces sur la question des institutions fédérales (le Sénat triple E, par exemple, se trouvait coulé dans le béton par la règle de l'unanimité).

Même si toutes les provinces avaient obtenu une part du gâteau, tout le monde avait au moins une raison de s'opposer au package deal, et l'accord, piloté par un Mulroney impopulaire, a été rejeté par une faible marge lors d'un référendum pancanadien.

On n'ose imaginer la cacophonie qui présiderait à une réédition de ces négociations. Compte tenu de l'état d'esprit général et du fait que les provinces tiennent plus que jamais à la notion d'égalité des provinces entre elles, le Québec ne pourrait même pas s'en tirer avec la «société distincte» et la garantie du quart des sièges au parlement.

En somme, le rêve d'une autre ronde de négociations constitutionnelles, outre qu'il est irréaliste, se transformerait en cauchemar pour le Québec si par malheur on rouvrait ce panier de crabes.