Il semble de plus en plus clair que Justin Trudeau sera le prochain chef du Parti libéral du Canada (PLC). Quant à savoir s'il sera premier ministre... c'est une autre paire de manches, comme on dit.

Quand il sortira du cocon où l'a emmailloté son «brain trust» - une équipe très forte qui l'encadre de près - et qu'il volera de ses propres ailes, obligé de réagir à chaud aux événements sans le renfort de ses conseillers, on pourra mieux évaluer ses chances.

Pour l'instant, et à en juger par le passé, on a l'impression qu'il ne pèsera pas lourd face aux politiciens chevronnés que sont Stephen Harper et Thomas Mulcair. L'impression, aussi, qu'il serait mangé tout rond s'il devait affronter ces deux féroces bêtes politiques dans un débat télévisé.

N'importe. Les sondages indiquent que le meneur de la course libérale est le seul, parmi les neuf candidats, qui aurait une chance - infinitésimale - de permettre au PLC de devancer les deux autres partis. Il n'en faut pas plus aux libéraux, qui miseront sur n'importe quel cheval du moment qu'il leur promet de les ramener au grand galop jusqu'au pouvoir qui leur revient de droit divin.

Cette campagne illustre une autre sorte de pouvoir, celui de l'image.

Trudeau fils est peut-être, de tous les candidats, celui qui a le passé professionnel le moins substantiel, le bagage intellectuel le plus léger et le moins de sérieux (ce qu'on appelle en anglais la gravitas) - bref, celui qui est le moins bien préparé à gouverner.

Il n'est même pas sûr qu'il ait l'instinct politique susceptible de compenser pour ces manques, comme l'ont montré ses gaffes retentissantes, à l'époque où il s'exprimait spontanément, sans être tenu en laisse par un entourage de vieux pros.

Mais voilà, c'est un beau mec, qui dégage une image de jeunesse (quoiqu'il ait 41 ans bien sonnés) et de sex-appeal, qualités magnifiées par son statut de «fils de l'autre». C'est le seul capable de générer de l'enthousiasme et de l'excitation.

On reproche à des candidats comme Marc Garneau et Martin Cauchon d'être incolores et inodores. Ce n'est pas totalement faux, mais soyons juste, l'éclat de Justin Trudeau, aussi superficiel soit-il, est tel qu'en comparaison, tous les autres ont l'air de politiciens démodés, ternes et désespérément conventionnels.

Et puis finalement, les libéraux n'ont-ils pas tout essayé?

Depuis Jean Chrétien (qui n'était certainement pas un intellectuel, mais qui avait de l'instinct politique à revendre), ils se sont successivement donné comme chefs, primo, un homme qui avait réussi dans les affaires et qui s'y connaissait en finances publiques; deuxio, un universitaire de haut calibre doté de la logique acérée d'un Pierre Elliott Trudeau; tertio, un intellectuel charismatique d'envergure internationale...

Exit Paul Martin, exit Stéphane Dion, exit Michael Ignatieff... et chaque fois, le PLC tombait encore plus bas, jusqu'à se trouver au bord du tombeau.

Alors, finalement, tous les modèles ayant été essayés, pourquoi ne pas opter cette fois pour une personnalité dotée d'une auréole de rock star ?

Il joue habilement à la fois dans les médias sociaux et dans les cercles de décideurs. Il aura récolté en début de campagne plus de dons que ses adversaires réunis durant toute la campagne.

S'il est élu le 14 avril, il se produira une certaine vague d'excitation dans la presse internationale. Le beau mec, la jolie famille, la «dynastie», tout cela fera de très belles images et des titres accrocheurs. Quant à la suite, c'est à voir.