On peut avoir des réserves sur le passé de Philippe Couillard (et l'on aura tout le temps d'y revenir), mais son retour sur la scène politique représente plus qu'une bouffée d'air frais: de quoi ressourcer puissamment, au moins au niveau des idées, le Parti libéral du Québec.

Le PLQ était devenu un parti poussif, qui donnait souvent l'impression de n'être qu'une coalition d'affairistes hantés par le seul désir du pouvoir.

Le meneur de la course au leadership libéral, au contraire, ne craint pas d'afficher ses valeurs et ses convictions... et il se trouve qu'elles coïncident parfaitement avec l'essence même de l'idéologie libérale.

Dans un trop court article publié le 5 décembre dans Le Devoir, M. Couillard se réfère à la grande tradition libérale dont le Québec a toutes les raisons d'être fier. Il était temps, car la rhétorique flamboyante du PQ, avec tout ce qu'elle charrie de rêves, a éclipsé la tradition libérale, plus avare de mots mais solidement progressiste.

Le libéralisme, explique M. Couillard, n'a rien à voir avec le néolibéralisme, «qui propose le libre marché comme seul arbitre», rien à voir non plus avec «l'intégrisme laïque», qui refuse les accommodements raisonnables.

C'est une idéologie humaniste et réformiste qui repose sur «la tolérance, l'inclusion et le développement économique comme condition préalable à l'expression concrète de la solidarité», et «sur l'attachement au fédéralisme».

Là où d'autres auraient tourné autour du pot pour amadouer le vote nationaliste, M. Couillard s'est prononcé, l'autre jour à la radio, contre le renforcement de la loi 101 amorcé par le gouvernement péquiste, pour la simple raison qu'il estime que le français n'est pas en déclin au Québec (ce en quoi les statistiques lui donnent raison).

Il rejette aussi cette notion opportuniste et humiliante de «fédéralisme rentable» promue par Robert Bourassa. Ce dernier, paraphrasant Duplessis, a même déjà parlé d'aller «chercher notre butin à Ottawa».

Non, dit en d'autres termes Philippe Couillard, le fédéralisme est autre chose que cette quête dégradante, c'est «un partage économique, social et culturel qui donne à notre citoyenneté canadienne un sens qui va bien au-delà des considérations de "rentabilité" ou de mécanique constitutionnelle.»

Voilà un langage qui tranche avec la timidité de Jean Charest, qui a dû laisser ses convictions fédéralistes au vestiaire parce qu'il n'avait pas l'éloquence nécessaire pour faire face à la grogne de ceux qui lui reprochaient de ne pas être un «vrai Québécois».

Dans sa lettre au Devoir, M. Couillard invoque les grandes figures libérales du Québec, à partir de Papineau et de Wilfrid Laurier, «l'ouverture aux immigrants et les luttes contre l'antisémitisme de l'ancien premier ministre Taschereau et de l'écrivain Jean-Charles Harvey, la lutte contre le fascisme par le biais du soutien à la conscription d'un Adélard Godbout...».

Ce serait bien le comble, dit-il, que les libéraux du Québec ne se réclament plus de ces hommes-là, maintenant que l'histoire leur a donné raison.

Ce passage m'a beaucoup touchée, moi qui ai souvent déploré que la mémoire de Harvey, cet esprit libre, et celle de Godbout (un progressiste qui a donné le droit de vote aux femmes et pavé la voie à la Révolution tranquille) aient été enterrées par nos élites, y compris par les libéraux.

Voilà donc ce qu'apporte Philippe Couillard à son parti: la fierté de ses origines, de même qu'un discours intellectuellement cohérent, qui tranche éloquemment avec la mollesse de pensée du PLQ de Bourassa et de Charest.

Advenant qu'il gagne le leadership, le congrès d'orientation que promet M. Couillard risque d'être diablement intéressant.