La possibilité d'un règlement négocié du conflit israélo-palestinien semble plus éloignée que jamais, avec cette décision du gouvernement Nétanyahou de relancer la construction de colonies juives dans les zones qui devraient normalement faire partie d'un éventuel État palestinien.

Cette fois, la provocation est de taille, car l'emplacement prévu pour les 3000 futurs logements se trouve entre Jérusalem-Est et la Cisjordanie, ce qui aurait pour effet de couper en deux le territoire palestinien, à tout le moins de forcer ses habitants à faire de fastidieux détours pour aller de Ramallah à Bethléem - ce serait comme devoir passer par Saint-Sauveur pour aller de Pierrefonds à Rosemont.

En fait, la menace est pour l'instant théorique, car les travaux ne débuteront pas avant plusieurs années - le temps, si tout le monde s'y mettait, de conclure un accord de paix...

Mais cette annonce, qui a choqué l'Europe et la Maison-Blanche, est de très mauvais augure: elle indique que le premier ministre Nétanyahou est devenu en quelque sorte l'otage de son parti, qui a pris depuis quelques mois un virage vers l'extrême droite religieuse.

À l'étranger, on oublie souvent qu'Israël n'est pas qu'un pays aux prises avec de douloureux enjeux internationaux. La politique intérieure y joue un rôle capital, comme dans n'importe quelle autre démocratie.

Or, non seulement Israël est la seule démocratie libérale de toute cette région, c'est aussi, si l'on peut dire, une démocratie excessive, où il y a autant d'opinions (et presque autant de partis!) que d'Israéliens.

C'est en partie dû à la culture juive, qui valorise la discussion et l'argumentation, mais c'est aussi le symptôme du mal fondamental qui ronge Israël depuis sa fondation: dans l'idéalisme des débuts, ses fondateurs ont opté pour la démocratie «parfaite», soit la proportionnelle pure, qui donne à chaque parti une représentation à la Knesset correspondant au pourcentage des voix obtenues. Il n'y a pas de circonscriptions; chaque parti présente une liste de candidats par ordre de priorité.

Ce système aberrant favorise la prolifération des petits partis, qui, avec seulement 2% du vote, peuvent siéger au Parlement. Comme le système encourage aussi le fractionnement du vote, il en résulte que le parti qui obtient la pluralité doit nécessairement s'allier à des formations extrémistes de gauche ou de droite, le Likoud devant nécessairement trouver ses alliés à sa droite, chez les religieux intégristes et les colons qui se croient investis d'une mission divine.

En mai dernier, un rayon de soleil est apparu dans ce paysage bloqué: Kadima, un parti de centre, est entré dans la coalition du Likoud, avec la promesse de mettre fin aux privilèges de la minorité hassidique (qui échappe au service militaire), et de rouvrir les pourparlers de paix avec les Palestiniens.

Tous les espoirs étaient permis, car la nouvelle coalition aurait pu modifier le système électoral, à tout le moins relever le seuil requis pour la représentation parlementaire des petits partis extrémistes.

Hélas, l'alliance n'a duré que deux mois... Elle s'est brisée sur la question des ultra-orthodoxes, dont M. Nétanyahou redoutait les représailles électorales, tout en provoquant, par réaction, un durcissement du Likoud. La liste élue par les membres du parti, en vue des élections de janvier, ne comprend que des candidats intégristes, à la seule exception de Nétanyahou.

Kadima étant de son côté discrédité, son ancienne chef, Tzipi Livni, vient de fonder un autre parti de centre, le «Mouvement», en espérant rallier tant les modérés du Likoud que les partisans de Kadima et la gauche modérée du Parti travailliste. Mme Livni promet de remettre le processus de paix à l'ordre du jour...

Tout repose donc sur les élections de janvier prochain.