Au Sommet de la francophonie, à Kinshasa, la première ministre Marois s'est sagement abstenue de critiquer la position du Canada, qui a bloqué l'inclusion, dans la déclaration finale, d'une revendication avancée par la France, soit l'octroi d'un siège permanent à l'Afrique au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.

La France poursuit, comme c'est normal, ses propres intérêts, et elle en a d'énormes sur le continent africain, grâce aux liens étroits qu'elle a gardés avec ses anciennes colonies. Sa domination économique est aujourd'hui menacée par la Chine, qui investit partout en Afrique sur une très grande échelle et est train d'y devenir la nouvelle puissance coloniale.

D'où l'empressement du président Hollande à courtiser les décideurs africains, en appuyant l'idée d'inclure l'Afrique dans le cénacle des vrais maîtres de l'ONU.

On voit mal par contre pourquoi le Canada, qui n'a pas les mêmes intérêts que la France, aurait dû entériner une idée prématurée et à plusieurs égards extrêmement problématique. D'ailleurs, même les pays africains présents au sommet ne faisaient pas l'unanimité sur la question... pas davantage, pourrait-on ajouter, qu'ils ne réussiraient à s'entendre, advenant le cas où ils devraient décider quel pays représenterait leur continent au Conseil de sécurité.

Non pas que le Conseil de sécurité doive rester éternellement figé dans sa structure héritée de la Seconde Guerre mondiale.

On le sait, le Conseil de sécurité regroupait au départ le camp des vainqueurs: l'URSS, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France (que le bluff génial de De Gaulle avait hissée au rang des vainqueurs), de même que la République de Chine (Taiwan). Les deux seuls changements à sa composition ont été le replacement de Taiwan par la Chine populaire en 1971, et celui de l'URSS, à sa dissolution, par la Russie.

Le monde a changé, et en toute logique, le Conseil devrait faire place aux puissances émergentes, notamment l'Inde et le Brésil. Il n'y pas de raison, aujourd'hui, pour que l'Allemagne, le pays européen le plus important, s'en trouve exclue. Pas de raison non plus pour que le groupe arabe et le continent africain n'y aient pas une place permanente.

Mais le Conseil de sécurité regroupe des pays, non pas des continents ou des blocs. S'il fallait y réserver un siège permanent à l'Afrique, on peut imaginer les palabres auxquelles cela donnerait lieu entre les pays africains. Il faudrait sans doute prévoir une rotation... au risque d'amener au Conseil des États qui bafouent les droits humains ou vivent dans l'instabilité politique. On a déjà bien assez de la Chine et de la Russie, il serait catastrophique de diminuer le poids des démocraties au sein du Conseil.

On ferait d'une pierre deux coups en octroyant un siège permanent à l'Égypte, qui est à la fois membre de l'Union africaine et le plus gros pays arabe. Mais la Turquie pourrait aussi revendiquer un siège au nom du monde musulman.

La remise à neuf du Conseil de sécurité est un sujet dont on parle beaucoup, mais qui n'adviendra pas de sitôt, parce que l'ONU est une gigantesque machine qui cultive l'immobilisme, et que les membres du Conseil de sécurité ne s'entendront pas entre eux (la Chine, par exemple, s'oppose mordicus à l'entrée de l'Inde ou du Japon)... et aussi parce qu'à mesure que le temps passera, les prétendants seront de plus en plus nombreux.

M. Harper n'avait pas à se faire le champion d'une idée qui n'est pas encore mûre et qui doit être abordée dans le contexte global d'une réforme du Conseil de sécurité.