Les débuts pitoyables du gouvernement Marois s'expliquent fort mal. Jamais une transition n'a été aussi cahoteuse.

Le PQ n'a même pas l'excuse de l'inexpérience. N'est-il pas, depuis 40 ans, un grand parti de gouvernement? La première ministre n'a-t-elle pas dirigé, dans le passé, plusieurs ministères importants?

Si l'on fait abstraction de l'hypothèque référendaire, le gouvernement Parizeau, en 1994, a tranquillement pris les commandes... dont héritèrent sans heurt, par la suite, MM. Bouchard et Landry.

Même en 1976, alors que le PQ n'avait aucune expérience gouvernementale (René Lévesque n'avait pas siégé au Parlement en tant que chef du PQ), il n'y a pas eu autant de cafouillages, exception faite de l'erreur majeure de la nationalisation de l'amiante.

L'été dernier, le PQ laissait fièrement savoir que la transition était en bonne voie, sous la houlette, notamment, de Martine Tremblay, l'ancienne chef de cabinet de M. Lévesque, qui connaît par coeur les rouages de l'appareil étatique. Qui aurait cru que ses premiers jours au pouvoir seraient aussi calamiteux?

On a beau dire que certaines décisions ont pour objectif de grignoter le vote de Québec solidaire, cela n'explique rien, car on peut être de gauche et compétent.

Les annonces en forme de coups de tête se sont accumulées: un jour c'est la ministre des Ressources naturelles qui condamne sans appel et sans consultation tant l'exploitation éventuelle du gaz de schiste que le Plan Nord.

Ou c'est une simple fonctionnaire politique qui lance comme si de rien n'était une bombe ahurissante: les mesures fiscales seront rétroactives!

Ou c'est le ministre Marceau, seul au front, qui s'obstine à prétendre que la rétroactivité avait été annoncée durant la campagne électorale, avant de finalement battre en retraite sur toute la ligne comme on l'a vu hier. Les milieux d'affaires, avec lesquels les gouvernements péquistes précédents entretenaient d'assez bonnes relations, sont aux abois, et personne ne leur répond.

Ou c'est Daniel Breton, un militant professionnel que Mme Marois a placé à l'Environnement, qui joue les gros bras en congédiant cavalièrement le président du BAPE.

Ou c'est le ministre de l'Enseignement supérieur qui, reprenant la thèse démagogique des leaders étudiants, se demande si les universités sont vraiment sous-financées.

Pendant ce temps, où est la première ministre? Y a-t-il un leader dans la salle? Mis à part quelques interviews, elle est invisible et inaudible depuis près d'un mois, et le restera jusqu'à son retour de Paris.

Comment expliquer que M. Marceau n'ait pas prévu les retombées négatives de ses politiques fiscales sur l'économie du Québec et sur les petits épargnants? Et que Mme Marois n'ait rien vu passer?

Hier, en ces pages, l'économiste Léon Courville (qui n'est pas un partisan du PQ) ne tarissait pas d'éloges sur les qualifications de M. Marceau en matière de fiscalité.

Il explique ce fiasco fiscal par un calcul politique extraordinairement machiavélique: Mme Marois aurait voulu plaire à l'extrême gauche tout en sachant que son projet tomberait à l'eau... et la volte-face aurait l'avantage d'amadouer la classe moyenne aisée, contente de ne perdre «que le petit doigt» alors qu'on menaçait «de lui couper le bras».

Je crois au contraire que l'explication est plus simple: M. Marceau a démontré qu'on peut être un brillant esprit sans avoir une once de sens commun, comme c'est souvent le cas des universitaires qui vivent dans des mondes virtuels. Quant à Mme Marois, elle aurait été incapable d'inventer une stratégie aussi entortillée que celle que lui prête Léon Courville. Un Jacques Parizeau aurait été capable de machiavélisme, mais pas elle. Il faut plutôt attribuer ce lamentable épisode à de l'incompétence, ce qui n'est pas plus rassurant.