Le premier acte de Pauline Marois, lorsqu'elle sera investie du pouvoir, sera d'annuler la hausse des droits de scolarité qui a engendré le grand tapage du printemps dernier.

Ce sera l'une des rares questions sur lesquelles elle aura une entière marge de manoeuvre, puisqu'elle pourra procéder par décret, sans devoir se heurter au barrage de l'opposition libéralo-caquiste.

Les porte-parole étudiants devraient être contents de voir Maman Marois répondre aussi rapidement à leurs désirs, mais ils ne le sont pas tout à fait.

Jeanne Reynolds, de la CLASSE, veut que le futur gouvernement maintienne les bonifications à l'aide financière offertes le printemps dernier aux «grévistes» par le gouvernement Charest.

Malheureusement pour la CLASSE, il semble que Mme Marois, malgré l'enthousiasme immodéré qu'elle affichait le printemps dernier pour le carré rouge, saura résister à cette demande fantaisiste. Ces bonifications, en effet, étaient un projet de compromis destiné à faire cesser la fronde, dans un contexte où le gouvernement maintenait l'essentiel de la hausse. Comme il n'y aura plus de hausse, les étudiants se trouveraient à recevoir le beurre et l'argent du beurre.

Le jeune député Léo Bureau-Blouin, pour sa part, souhaite que le gouvernement Marois reprenne à son compte l'idée d'un autre compromis suggéré lors des négociations avortées du printemps, soit la participation des étudiants à la gestion des universités.

Il sera intéressant de voir comment LBB s'y prendra pour expliquer à ses anciens camarades que les étudiants qu'il juge qualifiés pour diriger les universités n'auraient pas le droit de choisir leur cégep. (Le programme du PQ prévoit l'interdiction de l'accès des cégeps anglais aux francophones et aux immigrants).

Quoi d'autre? Ah oui, ils veulent la gratuité totale. Un hochet avec ça?

Mais revenons sur la question des cégeps. Ce projet tombera à l'eau à cause du statut minoritaire du gouvernement, car il n'y a aucun doute que le PLQ et la CAQ y feront obstacle - d'autant plus qu'il s'agit d'un projet impopulaire même chez les francophones, et que l'opposition pourra faire valoir que tous les premiers ministres péquistes, de René Lévesque à Bernard Landry (et ceux-là étaient majoritaires!) ont refusé d'étendre la loi 101 aux cégeps.

L'autre projet que le PQ peut oublier touche au coeur même de la plate-forme péquiste, soit la «gouvernance souverainiste» et la préparation du référendum. Avec une opposition officielle fédéraliste et une CAQ allergique au référendum, le barrage sera étanche.

Le gouvernement Marois aura en outre bien du mal à faire passer des projets controversés comme l'extension de la loi 101 aux entreprises de 10 à 50 employés ou l'établissement d'une «constitution» et d'une «citoyenneté» québécoises.

Théoriquement, la CAQ pourrait être plus accommodante que le PLQ, mais cette semaine, M. Legault a été assez clair. Il ne cédera pas sur l'extension de la loi 101 aux cégeps et aux petites entreprises, et les domaines sur lesquels il se dit spontanément prêt à collaborer avec le gouvernement touchent à des réformes qui vont de soi - intégrité dans la vie publique, lutte contre le décrochage, élections à date fixe, etc.

C'est dire que sur les questions les plus chères aux péquistes, le gouvernement Marois aura les mains liées, sa seule arme de négociation étant l'impossibilité pour l'opposition de le défaire à court terme - la CAQ parce qu'elle doit refaire ses forces et se doter d'une organisation digne de ce nom, et le PLQ parce qu'il sera en pleine course au leadership en plus d'être soumis aux retombées négatives de la commission Charbonneau.