Toutes les soirées électorales sont des boîtes à surprises... Mais celle-ci encore plus!

Première surprise: l'effondrement de la CAQ, que les médias avaient grandement surévaluée.

Deuxième surprise: la résilience du PLQ, qui formera l'opposition officielle alors que les observateurs la vouaient aux limbes de la deuxième opposition. (Saluons ici la perspicacité de la sociologue Claire Durand qui, en analysant finement le vote des discrets et des indécis, avait prévu cette hypothèse à l'encontre de tous les sondages.)

Troisième surprise, le rythme de tortue auquel le PQ a fini par remporter une mince pluralité. Une victoire à l'arrachée, qui privera Pauline Marois de toute marge de manoeuvre quand il s'agira de mettre en oeuvre des mesures le moindrement controversées. D'autant plus que les Libéraux, plus aguerris que les caquistes, et dont les idées sont plus cohérentes, formeront une opposition beaucoup plus agressive.

On peut aussi prévoir que les deux députés de Québec solidaire, conformément à leur programme, s'opposeront aux projets du PQ sur les minorités religieuses et l'extension de la loi 101 aux cégeps.

On ne saura jamais la réponse, car aucun sondeur ne peut entrer dans la tête de chaque électeur, mais la question se pose: Pauline Marois aurait-elle «échappé» la majorité au printemps dernier, quand elle a placé le PQ à la traîne de la fronde étudiante, bravant de ce fait une opinion publique très majoritairement opposée à ce mouvement chimérique et délinquant dont les excès ont empoisonné la vie des citoyens ordinaires, sans parler d'une forte majorité d'étudiants et de parents?

Normalement, compte tenu de l'extraordinaire impopularité du gouvernement Charest, l'opposition officielle aurait dû avoir la partie beaucoup plus facile. Et être en mesure de conquérir une majorité, même avec la présence de la CAQ.

Les sondages de l'hiver montraient une bonne avance du PQ. Cette avance s'est évanouie avec le «printemps érable», alors que s'accroissait l'appui du public au gouvernement - au moins sur la question des carrés rouges... à tel point que la situation avait fourni à un Jean Charest promis à la défaite une bouée de sauvetage quasi-miraculeuse. Or, pendant la campagne électorale, le PQ n'a pas progressé d'un pouce dans les sondages.

Les craintes classiques - craintes des turbulences engendrées par la démarche souverainiste, etc - n'ont rien de nouveau et n'expliquent pas tout. Le manque de charisme de Mme Marois non plus (qui donc a du charisme, de nos jours?). Non plus que ses gaffes de campagne, aussi majeures fussent-elles: elles ont été plus visibles aux yeux des journalistes qu'à ceux du citoyen-lambda.

Peut-être, avec sa députation marquée par le carré rouge et le tintamarre des casseroles, le PQ a-t-il souffert d'un déficit de crédibilité. Que penser, en effet, d'un grand parti de gouvernement qui prend le parti de la rue, incite les gens à défier les lois et parraine un mouvement subversif (ce qu'était la CLASSE, le vrai meneur du jeu)?

L'électeur, pas stupide, ne voulait pas réélire un gouvernement usé qui ne méritait pas un quatrième mandat. Il a voté pour l'opposition... mais, comment dire, modérément, en se gardant une petite gêne, en se partageant entre le PQ et la CAQ.

Les derniers sondages ont montré que la CAQ a hérité d'une partie des électeurs péquistes modérés. Cela tient sûrement à toutes sortes de raisons - mais il n'y a aucun doute que cette image obsédante de Pauline Marois et de ses futurs ministres arborant le carré rouge, cette dernière frappant sur des casseroles au lieu de se préparer à gérer l'État du Québec, a joué un rôle. Quelques voix vous manquent, et la majorité s'envole...