La défaite se lisait déjà sur le visage de Nicolas Sarkozy, lors du débat télévisé de la semaine dernière. Amaigri, les traits tendus, les tics plus évidents que jamais, la colère à peine contenue, les gestes agressifs, les sarcasmes grinçants... Face à lui, François Hollande encaissait les coups avec placidité, prenant de l'assurance à mesure que le débat avançait.

Pourtant, malgré la détestation viscérale dont M. Sarkozy était l'objet, la victoire de François Hollande n'a rien de fracassant - à peine deux points d'avance, beaucoup moins que ce que l'on prédisait.

Et ceux qui attendaient de lui une prestation de chef d'État auront été bien déçus par son discours. Un discours platement écrit, sans élévation et farci de banalités, qui aurait pu être le discours du maire de Tulle au lendemain d'une victoire aux élections municipales.

Rien de concret sur le rôle international de la France, rien sur la crise financière qui plombe l'avenir, rien sur l'Europe (sauf un acte de foi dans le retour de la croissance) ... en somme, un discours aux horizons étriqués qui reflétait le peu de connaissances de M. Hollande en matière de politique étrangère, lui qui n'a jamais dirigé un ministère et qui a fait l'essentiel de sa carrière politique comme élu local (à Tulle) et régional (il préside le Conseil régional de la Corrèze... le département le plus endetté du pays!), et enfin, pendant dix ans, comme premier secrétaire du Parti socialiste.

La transition sera dure, car M. Hollande sera bientôt sur la sellette de l'opinion internationale, alors qu'il se rendra dans deux semaines aux États-Unis pour participer aux réunions du G8 et de l'OTAN. Avant cela, il doit rencontrer à Berlin la chancelière Angela Merkel... qu'il devra charmer et rassurer, sous peine de voir éclater le couple franco-allemand, socle de l'Europe, et de ne trouver d'alliés que dans une Europe du Sud au bord de la faillite.

Bien qu'il aime s'identifier à François Mitterrand, pour le plus grand plaisir de ses partisans, le modèle Mitterrand n'est pas près de réapparaître en France. On peut d'ores et déjà prédire que la présidence de François Hollande se déroulera sous le signe de la modération et qu'elle n'aura guère à voir avec les débuts tumultueux du premier septennat de François Mitterrand.

En 1981, ce dernier arrivait au pouvoir une main attachée par le programme commun signé avec un Parti communiste à l'époque beaucoup plus influent qu'aujourd'hui. Il avait tout de suite procédé à la nationalisation de sept grandes entreprises et de tout le secteur bancaire, une mesure catastrophique sur laquelle il avait dû revenir quelques années plus tard.

Rien de semblable ne se produira aujourd'hui, le programme de M. Hollande se situant grosso modo dans la mouvance modérée du PS. Et surtout, le nouveau président n'est lié par aucun groupe extérieur, à l'exception de l'entente électorale du PS avec les Verts, entente que M. Hollande a déjà commencé à édulcorer en affirmant qu'il ne fermera qu'une centrale alors que les Verts tiennent mordicus à la «sortie du nucléaire».

En outre, le score relativement faible (en tout cas plus faible que prévu) de l'extrême gauche de Jean-Luc Mélenchon au premier tour laissera au président une large marge de manoeuvre. Il pourra gouverner au centre gauche sans subir les pressions de l'aile radicale du PS.

Ainsi, on a longtemps cru que le poste de premier ministre devrait obligatoirement échoir à Martine Aubry malgré leurs relations inamicales, mais la rumeur veut que M. Hollande ait jeté son dévolu sur Jean-Marc Ayrault, le maire de Nantes, un politicien beaucoup plus modéré que la «dame des 35 heures».