Alors, la grève étudiante à l'école primaire, c'est pour quand?

Je plaisante, mais à peine. Cette semaine, quatre écoles secondaires de la Commission scolaire de Montréal ont fermé leurs portes à la suite d'un «vote de grève» pris par les élèves - des ados dont les plus jeunes ont 12 ans!

Que les ados veuillent se donner trois jours de congé pour aller courir dans la rue avec les grands, ma foi, cela se comprend. Un carré rouge, c'est plus excitant qu'une dictée. Ce qui est extrêmement dérangeant, c'est que tout cela s'est fait avec la complicité des autorités scolaires.

Le directeur de l'école François-Joseph Perreault se dit «fier» de ses élèves, pendant qu'une enseignante se pâme devant leur ligne de piquetage: «une belle action!», s'exclame-t-elle.

La Commission scolaire de Montréal a déclaré qu'elle respecte «l'expression démocratique des points de vue» de ses élèves. Sur les sites web des écoles fermées pour cause de piquetage, le message aux parents de la CSDM est annoncé d'une manière presque militante: en lettres blanches sur un rectangle rouge!

Les écoles de la CSDM, qui affichent, faut-il le rappeler, un taux de décrochage alarmant de l'ordre de 30%, n'avaient qu'un devoir, et un seul: forcer les élèves que la société leur a confiés à rester en classe.

C'est bien le comble de l'irresponsabilité que de laisser des enfants qui n'ont pas le droit de vote, ni celui d'acheter des cigarettes ou de l'alcool, se fourvoyer dans des manifs houleuses et possiblement violentes, et dans un débat politique dont on ne leur a même pas exposé les deux côtés, si l'on en juge par l'adhésion aveugle des syndicats enseignants au mouvement de boycott. Cela s'appelle soit de la négligence, soit de l'endoctrinement.

Bien sûr, les «votes de grève» ont été pris à main levée, avec les résultats prévisibles. On ne peut que deviner la solitude de l'ado qui aurait osé faire entendre une voix dissidente.

On ne peut pas aller plus loin dans la démission des autorités face au culte de l'enfant-roi et dans la caricature du syndicalisme, cette grande tradition que les «grévistes» étudiants travestissent allègrement.

Le plus désolant, c'est de voir les dirigeants de la CSN, une centrale dont la pierre d'assise a toujours été la démocratie syndicale et le respect de la base, applaudir aux déviations du mouvement de boycott.

La plupart des votes, dans les cégeps et les universités, ont été pris à main levée: c'est la voie royale vers l'intimidation des dissidents. Je ne sais pas comment les débats sont menés dans chacune des assemblées étudiantes, mais je serais étonnée qu'ils le soient en fonction du code Morin, ce fameux code de procédure qui est la bible de tout délégué syndical CSN et qui assure, en autant que la chose est humainement possible dans des atmosphères survoltées, la qualité démocratique des assemblées délibérantes.

Rappel des règles en cours dans les syndicats CSN: une assemblée ne peut se tenir que si elle regroupe un nombre minimal de membres cotisants (il faut le «quorum»). Le président de l'assemblée ne participe pas au débat. La question préalable, lorsqu'un membre souhaite clore un débat pour qu'on passe au vote sur la proposition, doit être acceptée par le président, lequel refuse s'il considère qu'il faut laisser plus de gens s'exprimer, et elle doit ensuite être votée par les deux tiers de l'assemblée.

Tout vote de grève se tient au scrutin secret. Plus encore, sur n'importe quelle proposition, un seul membre peut exiger la tenue d'un vote secret.