«Vous allez avoir une grosse surprise», avait lancé Marine Le Pen aux journalistes. Et en effet, c'est son score - de trois ou quatre points plus élevé que ce qu'avaient prévu les sondages - qui a été la surprise du premier tour de la présidentielle française.

Avec 18,5% des voix, Mme Le Pen obtient la médaille de bronze que nombre d'observateurs avaient prématurément accordée au candidat d'extrême gauche Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier, malgré les retentissants succès de ses meetings, n'a finalement récolté que 11,7% des voix.

François Bayrou, qui avait été «le troisième homme» en 2007, hérite d'un maigre score de 8,8% qui signifie probablement la fin de sa carrière de «loner» politique, lui qui n'a jamais réussi à s'assurer de l'appui durable d'un véritable parti.

M. Mélenchon a enjoint à ses partisans de se rallier à François Hollande, quoiqu'avec une mauvaise grâce manifeste où affleurait la hargne envers la gauche modérée. Sans même nommer le candidat socialiste, il s'est contenté de dire qu'ils devaient «battre Sarkozy en se servant du seul bulletin de vote disponible».

D'ici au second tour du 6 mai, les électeurs du Front national seront l'objet de toutes les attentions.

Le camp de gauche part avec un solide bloc de 44% de voix - son meilleur résultat des dernières décennies. Les sondeurs estiment que les électeurs de M. Bayrou se répartiront, moitié-moitié entre MM. Hollande et Sarkozy, ceux de Mme Le Pen optant à 60% pour M. Sarkozy et à 18% pour M. Hollande, alors que 22% n'expriment pas d'intention.

Mais les «frontistes» forment un groupe imprévisible qui a souvent fait mentir les sondeurs. Au-delà du noyau dur, le FN attire des déçus du sarkozisme, des déçus de la vie qui en veulent au «système», des jeunes qui aiment la simplicité décontractée de «Marine», des ouvriers et des commerçants sensibles au discours populiste, aussi bien que d'anciens électeurs communistes, tant il est vrai que les extrêmes se rejoignent.

Si Mélenchon n'a pas ménagé les insultes envers Marine Le Pen, le camp Hollande a déjà commencé à manifester de la compassion pour «la souffrance» de ses électeurs, car le candidat socialiste devra grappiller quelques voix de ce côté pour être sûr de franchir la barre des 51%.

Quant à Nicolas Sarkozy, pour qui un report massif des voix du FN constitue la seule chance de l'emporter au second tour, il a carrément paraphrasé la candidate frontiste dans son discours d'hier, insistant sur «l'amour de la patrie», un thème qui fait écho au nationalisme exacerbé de Mme Le Pen, laquelle décrivait hier sa victoire comme celles des «patriotes défenseurs de l'identité française» et vantait «la France des clochers, des terroirs, des artisans, des pêcheurs...» qui veulent retrouver «la souveraineté de la France» érodée par l'union européenne, l'immigration et la mondialisation.

Sarkozy va jouer le tout pour le tout avec l'énergie qui le caractérise. Se sachant excellent debater, et comptant sur sa force de conviction, il aurait souhaité trois débats télévisés (plutôt qu'un seul) avec François Hollande, mais ce dernier a évidemment refusé.

Pour l'instant, M. Sarkozy est devenu le premier président sortant à finir en seconde place au premier tour, mais il peut se consoler en se disant qu'en 1974 et en 1995, les candidats en tête au premier tour ont perdu au second, et que, alors que plus récemment, tous les chefs de gouvernement touchés par la crise ont été balayés aux élections, il a quand même tenu bon...