Il y aura eu l'avant et l'après Merah, car il est probable que les tueries de Montauban et de Toulouse auront un impact sur la campagne présidentielle française.

Sans doute pas assez pour inverser la tendance de fond, qui donne le socialiste François Hollande favori au second tour, mais assez pour apporter de l'eau au moulin de la droite.

Ces terribles événements permettent à Marine Le Pen d'éperonner avec plus de vigueur que jamais son cheval de bataille contre l'immigration musulmane, et à Nicolas Sarkozy de retrouver sa stature présidentielle et d'endosser l'habit qui lui va le mieux, celui du protecteur inflexible de la République contre le terrorisme et l'insécurité, tandis que l'indécis François Hollande passe à l'arrière-plan.

Une nouvelle révélation pourrait accroître le désarroi des Français qui se croyaient à l'abri du terrorisme islamiste depuis la grande vague des attentats de 1995.

En effet, les vidéos tournées par Mohamed Merah, qui a immortalisé ses sept crimes avec une mini-caméra sanglée autour de sa poitrine, ont été postées au bureau parisien de la chaîne Al-Jazira mercredi, à l'extérieur de Toulouse, et ce, au moment où le meurtrier était cerné par la police dans son appartement, et sa famille (dont son frère aîné qui semble avoir été complice au moins en partie), placée en détention préventive.

L'envoi a donc été fait par une troisième personne, ce qui laisse croire à l'existence d'un réseau et démolit la thèse initiale du «tueur fou» ayant agi seul.

L'affaire porte d'ailleurs la marque d'un professionnel. Les sept vidéos ont été soigneusement montées et mixées avec des chants religieux et la récitation de versets coraniques... la bande sonore permettant toutefois d'entendre les cris des victimes, de préciser un porte-parole d'Al-Jazira (qui a heureusement décidé de ne pas diffuser l'oeuvre posthume de l'assassin).

L'existence d'un réseau expliquerait également comment Merah, petit délinquant sans le sou, aurait eu les moyens de s'acheter des armes et de se rendre à plusieurs reprises à l'étranger, notamment en Afghanistan, où l'on sait qu'il s'est initié au djihadisme.

Fidèle à son habitude d'improviser des politiques en surfant sur l'émotion populaire, le président Sarkozy a annoncé diverses mesures dont plusieurs seraient difficiles à mettre en oeuvre sans porter atteinte aux libertés: renforcement de l'arsenal pénal, traque des clients des sites internet faisant l'apologie du terrorisme, traque des voyageurs revenant de séjours d'endoctrinement à l'étranger, accélération des mesures d'expulsion, interdiction du territoire aux auteurs de «propos infamants contre la France ou les valeurs de la République» ...

N'importe, selon un sondage Ipsos effectué au lendemain des tueries, 70% des Français pensent que M. Sarkozy a «su trouver les mots justes», M. Hollande n'étant crédité à ce chapitre que de 55% de perceptions positives.

Avant les tueries, le président sortant avait réussi à combler l'écart qui le séparait au premier tour du candidat socialiste, ce dernier perdant des appuis au profit de Jean-Luc Mélenchon, le flamboyant tribun du Front de Gauche.

Le sondage Ipsos montre maintenant que l'avance de M. Hollande au second tour s'est rétrécie, notamment parce que depuis le début officiel de la campagne, il a été délaissé par une bonne partie des partisans du centriste François Bayrou au profit de M. Sarkozy. Vraisemblablement à cause de ses sorties contre l'immigration, M. Sarkozy a également vu sa cote monter chez les partisans du Front National, qui ne lui ont jamais été automatiquement acquis au second tour.

Le retour du terrorisme islamiste pourrait accroître ces tendances, à moins que les tracas quotidiens - pouvoir d'achat, chômage des jeunes - ne l'emportent sur toute autre considération.