La politique n'est pas un métier pour les impulsifs, car tout peut toujours changer d'un jour à l'autre. Les députés péquistes qui ont démissionné avec fracas de leur parti l'été dernier doivent aujourd'hui se mordre les doigts.

Ils jugeaient Pauline Marois finie, et le PQ foutu. Ils s'affolaient de la popularité de François Legault.

Les uns vivotent aujourd'hui dans l'obscurité d'un «no man's land», ou dans quelque cul-de-sac groupusculaire. Les autres, saisis par la peur de perdre leur comté, se sont jetés dans les bras de François Legault... dont la popularité est en nette baisse, alors que le PQ, au contraire, a remonté à tel point que le dernier sondage CROP montre qu'il pourrait former le prochain gouvernement.

S'ils avaient eu la maturité de laisser venir les choses, et s'ils avaient compris que la flambée en faveur de François Legault était par définition un épisode passager, destiné à s'atténuer dès que le sauveur hypothétique se serait incarné en vrai chef de parti, ils seraient aujourd'hui dans le camp des vainqueurs présumés, plutôt que de risquer de se retrouver, d'ici quelques mois, dans celui des perdants.

Car ceux qui, comme François Rebello et les ex-adéquistes, ont imprudemment joué leur avenir sur François Legault, n'ont encore rien vu.

Devinez donc ce qui se passera quand arrivera le grand soir du débat télévisé des chefs. Ce dernier en sera à son premier exercice, face à deux «debaters» d'expérience. S'exprimant difficilement, il affrontera deux autres chefs qui, sans être de très bons orateurs, sont quand même capables de véhiculer clairement leurs idées.

Dans un contexte volatile, où les jeux ne sont pas faits, le prochain débat des chefs pourrait être encore plus déterminant que d'habitude, et il serait surprenant que le chef caquiste s'en tire avec les honneurs.

Ce dernier sondage CROP, réalisé sur l'internet, n'est pas entièrement fiable, car les personnes âgées, entre autres, sont sous-représentées parmi les internautes, ce qui pourrait sous-évaluer le poids réel du Parti libéral.

Il reste que la remontée du PQ est spectaculaire, le parti ayant retrouvé la position qu'il occupait en mai dernier, avant que ses militants se lancent dans une opération d'autodestruction sans précédent dans les annales.

Pour peu que la CAQ s'effondre, le PQ pourrait même envisager une victoire majoritaire, car actuellement en tout cas, c'est entre la CAQ et le PQ que se partage l'essentiel du vote francophone, dans ces régions hors Montréal où les gouvernements se font et se défont.

Les petits mecs qui ont tout fait pour saboter le leadership de Pauline Marois reçoivent aujourd'hui le boomerang en pleine figure. Les Québécois admirent le courage (une qualité guère répandue dans notre microcosme politique), et la résilience remarquable de cette femme attaquée de toutes parts a porté fruit.

Au moment même où plusieurs chroniqueurs politiques suggéraient à Mme Marois de jeter l'éponge et d'aller s'occuper de son jardin et de ses petits-enfants, Stéphane Laporte, dans une chronique aussi intuitive que déterminante, l'a baptisée avec admiration «la dame de béton». C'est lui qui avait le mieux pressenti l'humeur populaire... peut-être justement parce qu'il vit en dehors du monde politique.

En outre, cette redéfinition de Pauline Marois coïncidait avec la sortie sur nos écrans de La dame de fer. Même si Mmes Thatcher et Marois ont très peu en commun, les gens ont vu des correspondances dans l'acrimonie et les coups bas dont toutes deux furent victimes. En ce sens, Mme Marois doit une fière chandelle à ses détracteurs de l'interne, qui, en s'acharnant contre elle, lui ont donné une dimension qu'elle n'avait pas au départ.