Toxique, la «gouvernance souverainiste» de Pauline Marois? Si c'est ce que Bernard Landry a vu dans le programme péquiste d'aujourd'hui, c'est qu'il a tout oublié de l'histoire du PQ... tout oublié, aussi, de son propre comportement à l'époque où il était chef de ce parti.

Ce qui frappe surtout, dans cette lettre que l'ancien premier ministre a annoncée cinq jours à l'avance comme si ç'allait être un très gros événement, c'est l'absence de contenu.

Que propose M. Landry? De mettre le «cap sur l'indépendance! Regarder le peuple dans les yeux, aller au pas de charge vers cet idéal...». Comme programme, on a déjà vu plus concret!

On notera au passage que M. Landry utilise le mot «indépendance» alors que durant toute sa carrière de dirigeant péquiste, il ne parlait que de «souveraineté». Il est plus facile d'être radical quand on n'a plus la responsabilité d'un parti!

Derrière la complainte d'un ancien chef qui voit son parti sombrer dans les sondages (sous-entendu: Ah! Si j'étais resté...»), on ne voit aucunement quelle marche à suivre il préconise. Il ne parle ni d'échéancier référendaire, ni de ce que le PQ devrait faire s'il était au pouvoir.

Il est clair que cette lettre, conçue dans le contexte de la fronde menée par les partisans de Gilles Duceppe, ne visait qu'à miner l'image de Mme Marois pour ouvrir la voie à M. Duceppe.

L'attaque était courtoise, certes. Bernard Landry est d'une autre race que les petits mecs comme Marc Laviolette, dont la vulgaire algarade («elle passe pas, la madame») s'est retournée comme un «boomerang» contre les fomenteurs du putsch raté contre Mme Marois.

Mais qu'est-ce qui pouvait bien faire croire aux partisans de M. Duceppe qu'il aurait «mis le cap sur l'indépendance» avec plus de vigueur que Mme Marois? Le Duceppe qu'on a connu à la tête du Bloc était au contraire un tacticien prudent et plutôt réaliste.

Il n'aurait certainement pas été assez casse-cou pour s'engager, à l'instar de Jacques Parizeau en 1994, à tenir un référendum au début d'un premier mandat. Alors qu'est-ce qui le différencie, sur la question de la souveraineté, de Mme Marois? Le lyrisme oratoire? Sûrement pas! Mme Marois est une piètre oratrice, mais M. Duceppe aussi.

Cette «gouvernance souverainiste» que conspue M. Landry n'est en fait qu'une autre mouture de la stratégie historique du PQ (sauf sous le règne de Parizeau... à qui Landry, en 1995, reprochait vertement sa témérité suicidaire). C'est, sous un autre vocable, «l'étapisme» et le «bon gouvernement» des Lévesque, Bouchard et Landry.

Ce dernier, dans sa plate-forme électorale de 2003, n'avait aucun échéancier référendaire, jugeant avec bon sens qu'on ne tient un référendum que lorsqu'on a de bonnes chances de le gagner. Il proposait un référendum sur une constitution québécoise. Mme Marois a le même genre de plan et propose de rapatrier certains pouvoirs (culture, etc.), quitte à tenir des référendums sectoriels... une idée déjà émise, dans le temps, par les Parizeau et les Landry! Où est la différence de fond?

Que faire, en effet, quand on est un parti souverainiste dans une société qui ne veut pas de la souveraineté? On fait l'impasse sur le référendum, on promet de gouverner dans le cadre actuel tout en multipliant les initiatives qui pourraient susciter des conflits avec Ottawa et relancer la ferveur souverainiste...

C'est ce que le PQ a toujours fait, avec Pauline Marois comme avec Bernard Landry.