La plupart des observateurs ont vu un glissement à droite dans la légère ouverture de François Legault à la possibilité d'élargir la place du secteur privé dans les services de santé (par le moyen, dit-il, d'un projet pilote non défini.)    

Au Québec comme dans le reste du Canada, où le Medicare est aussi intouchable que les vaches sacrées en Inde, cette question est devenue un marqueur idéologique servant à distinguer la droite de la gauche. C'est une erreur.

Il faut être enfermé à double tour dans le petit monde clos du Canada pour s'imaginer que la promotion d'un système de santé mixte relève d'une idéologie de droite.

Partout en Europe de l'Ouest, y compris dans la Scandinavie congénitalement social-démocrate, des services médicaux et hospitaliers privés coexistent avec le réseau public.

Même un pays comme la France, qui a été gérée pendant une partie du 20e siècle par des gouvernements socialistes (et beaucoup plus socialistes que ne le fut jamais le NPD), s'est donnée un système mixte que personne ne remet en question.

Le pays est actuellement en campagne présidentielle. Même l'extrême gauche ne propose pas de changement substantiel au système. Personne ne réclame la fermeture des cliniques privées, personne même ne réclame l'interdiction de la pratique médicale «libérale» qui permet des dépassements d'honoraires. La controverse ne porte que sur la façon d'attirer des soignants dans les «déserts» médicaux (des zones excentrées et peu peuplées où l'on manque de médecins).

Faut-il le répéter? Le Canada est le seul pays, avec... Cuba et la Corée du Nord, où la loi interdit la médecine privée. Oublions les États-Unis et son modèle inéquitable (qu'Obama n'a pas encore réussi à changer complètement). C'est du reste du monde qu'il faut s'inspirer.

Reprenons l'exemple français. Dans toutes les villes, grandes ou moyennes, il existe des cliniques privées qui sont dans plusieurs cas de véritables hôpitaux, c'est-à-dire qu'on y pratique des interventions requérant une hospitalisation - ablation d'un sein ou d'un rein, remplacement de hanche, chirurgies cardio-vasculaires, etc. -, contrairement aux cliniques privées canadiennes, qui ne prodiguent que des traitements ambulatoires.

Le patient qui choisit la clinique privée paiera un certain supplément mais, dans la plupart des cas, ses assurances complémentaires régleront la différence.

Est-ce une médecine à deux vitesses? Oui et non. Certes, un «sans-papier» ou un sans-abri n'aura pas le choix. Mais la très grande majorité des Français, même les familles les plus modestes, ont des assurances complémentaires.

Les uns choisiront la clinique pour son environnement plus confortable, mais d'autres préféreront l'hôpital, à cause de la réputation de l'institution ou parce qu'ils veulent être traités par tel ou tel spécialiste. Le fait est que l'on voit des patients très pauvres dans les cliniques, et de grands bourgeois dans les hôpitaux.

La mixité a allégé le fardeau du réseau public, sans par ailleurs entraîner de baisse de qualité dans les hôpitaux, qui gardent la crème des médecins parce qu'ils ont le monopole de l'enseignement, de la recherche avancée et des chirurgies très pointues (les transplantations par exemple).

Résultat: en France, les patients sont traités beaucoup plus rapidement qu'ici. Vous n'entendrez jamais des Français se plaindre de délais d'attente. Et l'Organisation mondiale de la santé, après avoir comparé différents systèmes à travers le monde, a placé la France au premier rang pour ce qui est de la qualité et du rendement de ses services de santé.

Pourquoi ne pas s'en inspirer au lieu de continuer à nourrir les vaches sacrées?