Duel télévisé, hier soir, entre Martine Aubry et François Hollande, les finalistes des primaires socialistes françaises qui se solderont, dimanche, par le second tour de scrutin.

Aubry: plus nerveuse, peu souriante, souvent sur la défensive, débitant les lignes de son programme dans un style plutôt dogmatique. L'agressivité affleurait chez celle qui a accusé son adversaire d'incarner «la gauche molle» (en privé, elle parle plutôt de «couilles molles»).

Hollande: détendu, souriant, capable de sortir de la langue de bois pour parler simplement et directement aux électeurs, avec les apparences de la conviction. Il faut dire que M. Hollande, en campagne depuis six mois, a eu le temps de roder son numéro, tandis que Mme Aubry ne s'est jetée dans la mêlée qu'en septembre dernier, après des tergiversations et des esquives qui ont fait douter de son désir de jouer le tout pour le tout.

En tout cas, M. Hollande s'est installé avec grâce dans un rôle de rassembleur, recevant les piques de Mme Aubry avec sérénité, en s'abstenant habilement de lui rendre la pareille.

Il reste que le score de M. Hollande, au premier tour, a été décevant pour ses partisans. Il n'a récolté que neuf points d'avance sur sa principale rivale (39,2 à 30,4%), malgré que tous les sondages, depuis la chute de DSK, en eussent fait le politicien préféré des Français. Mais la primaire socialiste obéit à ses propres lois, et les militants ont exprimé, au premier tour, un choix personnel, quitte à se rabattre, au second tour, sur le candidat qui aura le plus de chances de battre Nicolas Sarkozy.

La gauche du parti a pesé davantage dans les urnes que les sympathisants modérés, donnant une bonne chance à Mme Aubry, plus radicale que François Hollande, et propulsant au troisième rang, contre toute attente, un Arnaud Montebourg proche de ce qu'on appelle aujourd'hui «la gauche de la gauche» (autrement dit l'extrême-gauche).

M. Montebourg (17% des voix), est un partisan de la «démondialisation», cette théorie qui ferait de la France un vase clos réfractaire au libre-échange enfermé dans un protectionnisme farouche, et prône la mise sous tutelle étatique des banques. Sur ces questions, Mme Aubry a des vues apparentées mais plus souples, alors que M. Hollande opte pour une social-démocratie marquée par le pragmatisme.

Les résultats du premier tour ont dû à première vue enchanter l'Élysée, car ils donnaient un avantage mathématique à Martine Aubry, une candidate plus facile à battre pour M. Sarkozy. Avec l'appui des partisans de M. Montebourg, voire de ceux de Ségolène Royal (7%), elle avait théoriquement des chances de se hisser en première place, alors que M. Hollande ne pouvait compter que sur les 6% de voix récoltées par Manuel Valls, un partisan de la rigueur budgétaire qui se situe à la droite du PS.

Mais ces calculs sont trompeurs. Même si M. Montebourg devait s'abstenir de choisir entre les deux finalistes, un sondage montrait cette semaine que la moitié de ses électeurs penchent vers M. Hollande. Ceux-là ont «envoyé un message» à ce dernier, mais se rangeront ultimement sous la bannière du candidat le plus susceptible de battre le président.

Par ailleurs, Mme Royal, qui avait des raisons personnelles d'en vouloir aux deux finalistes, a donné hier son appui à M. Hollande, son ancien conjoint. Mais il n'est pas dit que ses troupes, qui lui vouent un culte très émotionnel et qui forment un groupe assez volatil, suivront son mot d'ordre.

Les jeux ne sont pas faits, donc, même si les parieurs avisés auraient intérêt à miser sur François Hollande.