Brian Topp, l'homme qui veut succéder à Jack Layton, est un bonhomme sympathique, sans prétention, au sourire franc. Plutôt court, un peu rondelet, fagoté dans des vêtements fripés et démodés, il n'a pas la prestance du chef de l'opposition qu'il entend devenir (mais Michael Ignatieff en avait en masse, de la prestance, et cela ne l'a pas mené loin.)

Un bon styliste pourra apprendre à M. Topp à s'habiller, mais pourra-t-on lui insuffler du charisme? J'en doute fort. On le voit mal en tribun, lui qui a tout du «backroom boy» - un stratège de l'ombre, un militant de longue date qui connaît le NPD comme sa poche mais qui n'est jamais descendu dans l'arène électorale et n'a jamais siégé comme député.

C'est cela qui sera son talon d'Achille, car autrement tout baigne: celui qui était l'été dernier à la fois le président du parti et le plus proche conseiller et confident de Jack Layton, bénéficiera de l'appui des hautes instances du NPD, celui notamment d'Ed Broadbent, l'ancien chef qui reste l'homme le plus influent du parti. Et même s'il le nie, on peut croire que Layton en avait fait son dauphin.

Du «backroom boy», il a le ton de voix feutré, quasiment confidentiel, l'air réfléchi, l'habitude de ponctuer ses phrases par des clins d'oeil et des traits d'humour de pince-sans-rire. On l'imagine compulsant des dossiers et planifiant des stratégies, en conciliabule avec d'autres hommes de l'ombre. Plus difficile de l'imaginer aux Communes, clouant le bec à ces bêtes parlementaires que sont Stephen Harper et Bob Rae. Mais il a d'autres qualités: il est sérieux et pondéré, il a l'air d'avoir du jugement, et il est rassurant. Le genre d'homme à qui l'on confierait ses enfants les yeux fermés.

Surprise, il parle très bien français. Beaucoup mieux que Jack Layton, qui avait grappillé des bribes de langue populaire dans la rue et les patinoires de hockey. On comprend mieux pourquoi M. Topp s'exprime de manière si fluide et châtiée quand on réalise qu'en fait, le français est sa langue maternelle, une langue apprise dans un foyer francophone, auprès d'une mère née à Sillery, ancienne élève des Ursulines et grande admiratrice d'Anne Hébert, et d'un père anglophone né à Granby et parfait bilingue.

Quel genre de leader pourrait-il être? Pas un chef autoritaire, mais un leader qui tient compte de l'avis des autres, dit-il, comme l'étaient Layton, Mulroney et Roy Romanow, l'ancien premier ministre de la Saskatchewan, dont il fut d'ailleurs le chef de cabinet-adjoint entre 1993 et 2000. Son modèle: la social-démocratie raisonnable et pragmatique des Prairies, qui tenait aux budgets équilibrés.

La même modération s'exprime dans son jugement sur Harper, qu'il refuse de diaboliser comme le font les libéraux: «C'est un adversaire, pas un monstre». Sur le préjugé favorable du NPD envers les syndicats: «Le premier devoir d'un gouvernement est envers le public, mais ça ne l'empêche pas d'être un bon employeur.»

Même s'il a passé les 30 premières années de sa vie au Québec, c'est sur sa connaissance intime du Canada anglais qu'il mise: «À la prochaine élection, ce serait fabuleux d'avoir plus que 59 sièges au Québec mais il ne faut pas être trop gourmand. Il faudra maintenir cette base, mais c'est à l'extérieur du Québec, en Ontario surtout, qu'il faudra aller chercher des sièges».

Pour lui, l'intégration de l'aile québécoise au reste du parti ne devrait pas poser de problème. «Il n'y a rien comme la perspective d'une victoire (en 2015) pour favoriser l'intégration», glisse-t-il avec un sourire malicieux.