Parmi les réactions suscitées par les troubles internes du Parti québécois, la plus inquiétante est cette idée lancée par le politologue Jean-Herman Guay, reprise par Pierre Curzi et déjà envisagée par François Legault: l'idée qu'un troisième référendum pourrait être déclenché par une pétition signée par 10% des électeurs.

Parmi les réactions suscitées par les troubles internes du Parti québécois, la plus inquiétante est cette idée lancée par le politologue Jean-Herman Guay, reprise par Pierre Curzi et déjà envisagée par François Legault: l'idée qu'un troisième référendum pourrait être déclenché par une pétition signée par 10% des électeurs.

En vertu de cette nouvelle idée magique expliquée dans Le Devoir de samedi, on abandonnerait l'idée que seul un gouvernement souverainiste pourrait tenir un référendum. On laisserait l'initiative au «peuple», incarné par quelque 700 000 électeurs. Pour le PQ, estime M. Guay, ce serait une jolie porte de sortie, qui le dégagerait de l'obligation de se brancher sur la tenue d'un référendum.

Les partisans de l'idée proposent donc l'adoption d'une loi dite «d'initiative populaire».

On voit d'ici le cafouillage. Un gouvernement libéral et fédéraliste pourrait être tenu d'organiser un référendum sur un projet qu'il rejette. Qui rédigerait la question? Qui dirigerait le camp du Oui?

Ou alors, un gouvernement péquiste pourrait être tenu d'organiser un référendum à un mauvais moment, sans l'appui populaire suffisant. Le PQ serait alors complètement déresponsabilisé, incapable de définir lui-même la stratégie concernant son option première!

Résultat des deux cas de figure: un troisième échec, une troisième humiliation.

Ne nous leurrons pas. Il n'est pas si difficile à un groupe de zélotes bien organisés et motivés de ramasser 700 000 signatures. En Californie, paradis de la démocratie directe, nombre de propositions insensées sont devenues des lois, usurpant le pouvoir des assemblées élues et menant l'État à la faillite (ainsi cette «initiative populaire» de 1978 interdisant les augmentations d'impôt foncier).

On peut très bien imaginer que des purs et durs illuminés, indifférents à l'état d'esprit de la population, se jettent à corps perdu dans une pareille «initiative populaire», lançant le Québec dans une autre aventure suicidaire.

Dix pour cent de la population, même à supposer que ces signatures auraient toutes été obtenues de façon légitime et que les signataires auraient tous mûrement réfléchi à la question, cela ne représente pas la population.

Si l'on veut obtenir un portrait exact des aspirations de la population, il existe une méthode éprouvée: les bons vieux sondages, à condition qu'ils soient réalisés par des maisons sérieuses sachant poser les bonnes questions.

Malheureusement, l'époque est au populisme, et il est devenu chic de mépriser les politiciens, de traiter les élus de racaille, et de contester la représentativité des parlements. Ce n'est pas un progrès.

La démocratie directe fut le principal mode de gouvernance des sociétés primitives, jusqu'à ce que l'on se rende compte que la démocratie indirecte, grâce à la médiation d'élus capables d'analyser une situation et de faire des compromis, constitue au fond un système plus réellement démocratique, le seul en fait qui puisse protéger les minorités et mener à un État de droit. C'est pourquoi l'on ne laisse plus des assemblées populaires juger les présumés criminels, et pourquoi l'on ne soumet plus les droits des minorités aux diktats des majorités (sauf en Suisse, seule adepte européenne de la démocratie directe).

En Amérique, c'est la droite populiste qui, à la suite des possédants californiens, est la première retournée à cet idéal pervers. Les référendums d'initiative populaire, la procédure du «recall» (rappel des élus dont une fraction de l'électorat serait insatisfaite), ont été les credo du Reform Party albertain. Récemment, la gauche populiste en a fait son beurre, comme on l'a vu avec cette absurde pétition qui réclamait la démission de Jean Charest, un premier ministre en exercice qui venait d'être élu au suffrage universel.

Des référendums d'initiative populaire seraient un (gros) pas de plus sur une très mauvaise voie.