Le phénomène de l'étalement urbain tire à sa fin, disait récemment Ken Greenberg, un urbaniste torontois renommé, à Henry Aubin, l'infatigable chroniqueur municipal de la Gazette.

Le phénomène de l'étalement urbain tire à sa fin, disait récemment Ken Greenberg, un urbaniste torontois renommé, à Henry Aubin, l'infatigable chroniqueur municipal de la Gazette.

S'il dit vrai, c'est une bonne nouvelle. L'avenir de Montréal - et aussi du Montréal français - dépend en effet du retour de la classe moyenne francophone dans la métropole qu'elle a abandonnée aux très riches, aux très pauvres, aux anglophones et aux immigrants.

Mais attention, même si le vieillissement des baby-boomers et la hausse du prix de l'essence sont autant de facteurs encourageant le retour à la ville, il y a des prérequis, prévient M. Greenberg.

Pour attirer davantage d'«empty-nesters» (les parents dont les enfants se sont envolés), il faut des condos plus grands que ceux qu'offre le marché. Les gens âgés, surtout s'ils ont vécu dans un grand bungalow, veulent de l'espace, parce qu'ils passent plus de temps à la maison. Un petit séjour tenant lieu de salon, de salle à manger, de salle familiale et de bureau ne fera pas l'affaire.

Les gens âgés veulent aussi des services de proximité où ils pourront aller à pied. Les familiers de Paris savent à quel point la vie quotidienne est plus facile quand on habite tout près des commerces, et qu'il suffit de faire quelques pas pour acheter son pain, son poisson ou ses fruits.

Chaque quartier, à l'intérieur de chaque arrondissement de Paris, contient toute la gamme des services de proximité, de la blanchisserie au cordonnier en passant par les commerces de bouche et les petits supermarchés. Bien sûr, c'est un atout qui s'est construit sur des siècles et sur des habitudes de vie - quand le Paris moderne s'est bâti, dans la dernière moitié du XIXe siècle, les Parisiens n'avaient pas d'auto.

Hélas, Montréal ne compte que quelques quartiers qui bénéficient de la proximité de rues commerçantes chaleureuses et bien équipées (on pense notamment aux rues Laurier, Mont-Royal, Monkland, Bernard ou Greene). C'est d'ailleurs pourquoi les logements qui les avoisinent sont si chers.

Montréal ne doit pas devenir une ville de vieux. Aussi, la priorité est-elle d'y faire revenir les jeunes familles que le coût des logements a fait émigrer en banlieue. Elles aussi ont besoin de «maisons de ville» (town houses) ou de condos plus grands. Elles ont besoin d'installations récréatives, de parcs, d'écoles de proximité (et de meilleure qualité, spécifie M. Greenberg). Gros programme...

Au lieu de s'enfarger dans toutes sortes de projets ruineux ou superflus, l'administration municipale devrait se donner comme priorité absolue l'élaboration, en concertation avec l'entreprise privée, d'une politique visant à produire un cadre de vie fonctionnel pour les jeunes familles, quitte à ce que des incitatifs financiers encouragent la construction de maisons de ville financièrement accessibles et la transformation d'immeubles locatifs en coopératives.

Les arrondissements serviraient au moins à quelque chose s'ils se donnaient comme priorité de favoriser l'éclosion de ces petits commerces de proximité qui sont le fondement même d'une vie de quartier agréable. Hélas, c'est souvent le contraire qui se passe, comme dans le Plateau, où une bande de dogmatiques multiplie les mesures susceptibles de faire fuir les commerçants.

C'est moins l'argent que la volonté politique qui manque, car nos gouvernements ont toujours l'air d'avoir assez d'argent quand il s'agit de flatter des électorats locaux, comme le démontre la trouble histoire du Colisée de Québec. Si l'on a assez d'argent pour faire de pareils cadeaux à un empire financier qui n'aura de comptes à rendre à personne, on en a sûrement pour sauvegarder l'avenir de Montréal, non? N'est-ce pas là une question aussi importante que le retour aléatoire d'une équipe de hockey à Québec?