Ceux qui souhaitent voir arriver au pouvoir une coalition des trois partis de l'opposition rêvent en couleurs. Advenant l'élection d'un gouvernement Harper minoritaire, il serait surprenant que le gouverneur-général confie un mandat gouvernemental à une coalition des deux partis fédéraux appuyée par le Bloc québécois.

Ceux qui souhaitent voir arriver au pouvoir une coalition des trois partis de l'opposition rêvent en couleurs. Advenant l'élection d'un gouvernement Harper minoritaire, il serait surprenant que le gouverneur-général confie un mandat gouvernemental à une coalition des deux partis fédéraux appuyée par le Bloc québécois.

Non pas en raison d'une impossibilité constitutionnelle. En régime parlementaire, le pouvoir peut très bien revenir à une coalition, comme on l'a vu en Grande-Bretagne, alors que le gouvernement minoritaire de Gordon Brown a dû céder la place à la coalition des conservateurs et des libéraux-démocrates.

Mais si le principe de la coalition est légal, il n'est pas nécessairement légitime. Et au Canada, une coalition serait politiquement inacceptable pour une très grande majorité d'électeurs, parce qu'elle reposerait sur l'appui d'un parti sécessionniste, et qu'elle aurait pour effet de spolier l'Ouest du pays au profit du Canada central. On l'a d'ailleurs vu en 2008 par les sondages qui indiquaient un rejet massif de cette option au Canada anglais.

Le problème ne se poserait pas de la même façon si le PLC et le NPD avaient assez de sièges pour recueillir une majorité parlementaire. Mais cette éventualité est peu probable, compte tenu de la force numérique des conservateurs et des difficultés que le NPD aura à transférer en sièges son capital de sympathie. Même s'il perd des plumes, le Bloc récoltera une majorité de comtés au Québec.

Une coalition reposait donc sur l'appui du Bloc - une perspective inacceptable pour le Canada anglais, qui n'acceptera pas de voir la balance du pouvoir tomber entre les mains d'un parti dont l'objectif est de briser le pays, qui ne présente de candidats qu'au Québec, qui se désintéresse complètement de ce qui se passe dans le reste du Canada, et qui proclame haut et fort qu'il ne vote qu'en faveur de «ce qui est bon pour le Québec» à l'exclusion de toute autre considération.

Pour qu'ils se résignent à accepter pareille incongruité, il faudrait que les Canadiens anglais aient perdu toute notion de ce qu'est leur propre intérêt et l'intérêt du Canada dans son ensemble.

D'ailleurs, comme me le disait récemment un juriste britannique, la coalition n'aurait jamais été installée au pouvoir à Londres en si elle avait dépendu du Scottish National Party, le parti séparatiste écossais qui est représenté au parlement central. Les tories et les «lib-dem» avaient assez de sièges pour se passer de l'appui du SNP, qui n'a que sept sièges sur les 59 réservés à l'Écosse à la Chambre des communes.

L'autre motif qui rendrait une coalition impensable politiquement est plus subtil, mais important. Il tient à la représentativité des partis par rapport aux régions, un problème particulier au Canada en raison de son étendue et de sa diversité culturelle.

Les libéraux sont à toutes fins utiles exclus de l'Ouest: en 2008, ils n'ont remporté que sept sièges (sur 92) à l'ouest de l'Ontario, une tendance lourde qui se manifeste depuis quatre décennies. Le NPD y est plus présent, mais n'y a récolté que 14 sièges en 2008. À moins d'un glissement majeur mais peu probable, les quatre provinces de l'Ouest continueront d'être massivement représentées par les conservateurs.

Si l'Ouest se voyait en quelque sorte spolié de sa victoire au profit de l'Ontario et du Québec, cela constituerait un intolérable affront à l'endroit d'une région qui est déjà sous-représentée aux Communes et qui constitue au surplus la «vache à lait» de la péréquation. C'est une réalité dont devra tenir compte le gouverneur général, dans une décision qui comporterait autant de considérations politiques que d'éléments juridiques.