Pauline Marois a gagné ses épaulettes... mais elle les a payées cher! Pour recevoir la bénédiction de ses militants, elle a dû retourner sa veste sur deux questions fondamentales. Elle s'est résignée à accepter une résolution engageant un gouvernement péquiste à utiliser les fonds publics pour promouvoir la souveraineté, et une autre interdisant l'accès des cégeps anglais aux francophones et aux immigrants.

Pauline Marois a gagné ses épaulettes... mais elle les a payées cher! Pour recevoir la bénédiction de ses militants, elle a dû retourner sa veste sur deux questions fondamentales. Elle s'est résignée à accepter une résolution engageant un gouvernement péquiste à utiliser les fonds publics pour promouvoir la souveraineté, et une autre interdisant l'accès des cégeps anglais aux francophones et aux immigrants.

Ces deux mesures, en particulier la seconde, seront très impopulaires. On sait déjà qu'une forte majorité, même chez les francophones, veut conserver la liberté de choix au niveau collégial.

«Mais vous ne verrez pas ça dans la plateforme électorale même si c'est inscrit au programme», me confiait dimanche un député, sûr que le parti allait enterrer l'affaire avant la campagne. Pourtant, quelques minutes plus tard, à un reporter qui lui demandait si elle s'engageait à intégrer la proposition sur les cégeps à sa plateforme électorale, la chef du parti allait répondre par un «oui» ferme et sans équivoque.

Cela dit, ce n'est pas cette résolution qui empêchera le PQ d'être porté au pouvoir, si l'insatisfaction envers les libéraux reste vive et si la population, comme c'est probable, éprouve le besoin d'une alternance après sept ans de règne libéral.

Le PQ aurait toutefois grand intérêt à amender ses statuts pour éviter que son chef soit l'otage des radicaux ou des éternels insatisfaits à quelques mois d'une élection. Pourquoi tenir un vote de confiance automatiquement à chaque congrès? L'exercice devrait être réservé aux congrès suivant un scrutin, histoire de sanctionner un chef qui a «perdu ses élections» ou de lui donner une seconde chance. Il est tout à fait contre-productif de soumettre un chef de parti à pareille épreuve au moment où il doit concentrer tous ses efforts sur la campagne électorale à venir. C'est du masochisme politique.

Imagine-t-on les chambardements qu'aurait provoqués un vote de confiance faible - disons, pour s'en tenir à la convention, de moins de 75%? Mme Marois aurait probablement démissionné, et le PQ aurait été précipité dans une course au leadership à quelques mois d'une élection provinciale. Gilles Duceppe n'aurait pas été seul dans la course, d'autant plus que nombre de députés péquistes sont allergiques à son style autoritaire.

Ce dernier congrès aura confirmé une tendance historique du PQ: quand la souveraineté s'éloigne à l'horizon, les militants se rabattent sur la langue, par un réflexe de compensation. Comme s'ils se disaient qu'à défaut de souveraineté, ils doivent tout faire pour protéger le français - la langue ayant toujours constitué l'élément moteur du mouvement indépendantiste et ayant acquis la dimension d'une cause sacrée. En même temps, en surdramatisant les dangers susceptibles de compromettre la survie du français, les péquistes espèrent mobiliser la population en faveur de la souveraineté.

Mme Marois et les autorités du parti ont réussi à éliminer une résolution qui leur aurait empoisonné la vie - le retour à l'unilinguisme dans l'affichage commercial - en forçant les délégués à reconsidérer leur vote précédent. Il reste significatif qu'une très forte majorité de délégués était prête à interdire toute trace d'anglais dans l'affichage, une mesure condamnée tant par les Nations unies que par la Cour suprême.

Le congrès a durci sa politique linguistique à plusieurs niveaux : les petites entreprises, incluant les dépanneurs, n'échapperont pas à l'oeil des inspecteurs de l'État; la «police de la langue» devra vérifier si les hôpitaux et les municipalités qui bénéficient d'un statut bilingue desservent toujours une majorité anglophone. On s'attaquera même à la langue des tribunaux, pour limiter au maximum l'usage de l'anglais. Autant d'orientations qu'un René Lévesque aurait vigoureusement condamnées.