C'est trop facile de dire que les enseignants, unanimes à rejeter la proposition de la coalition dirigée par François Legault, réagissent par réflexe corporatiste. Il y a bien des raisons de s'opposer à l'approche de l'ancien patron d'Air Transat qui, malgré son passage en politique - une expérience qui aurait dû lui inculquer un peu de subtilité -, s'obstine à vouloir régir les services d'éducation et de santé comme des entreprises qui font voler des avions ou fabriquent des boîtes de conserve.

C'est trop facile de dire que les enseignants, unanimes à rejeter la proposition de la coalition dirigée par François Legault, réagissent par réflexe corporatiste. Il y a bien des raisons de s'opposer à l'approche de l'ancien patron d'Air Transat qui, malgré son passage en politique - une expérience qui aurait dû lui inculquer un peu de subtilité -, s'obstine à vouloir régir les services d'éducation et de santé comme des entreprises qui font voler des avions ou fabriquent des boîtes de conserve.

Le vocabulaire est à l'avenant. Tout est «performance», des «enseignants performants» aux «contrats de performance» que la coalition veut imposer aux universités (comme sans doute aux hôpitaux). Un modèle emprunté au «contrôle de la qualité» en vigueur dans les usines. Il ne manque que l'horrible expression de «capital humain».

Je vais te payer plus, mais tu vas travailler sur une corde raide. Tel est le pacte que la coalition offre aux enseignants: l'abolition de la sécurité d'emploi en échange d'une augmentation de salaire de 20%.

M. Legault, qui vient d'un milieu où le statut social dépend de la rémunération, le prestige et la réputation d'un PDG se mesurant à l'aulne de ses bonis, croit que si les enseignants sont «dévalorisés dans notre société», c'est, entre autres raisons, parce que leurs salaires ne sont pas assez élevés. À supposer que les profs aient mauvaise réputation, ce qui est loin d'être évident, pourquoi alors les infirmières, moins bien payées, sont-elles si estimées?

Il est vrai que les facultés d'éducation n'attirent plus les meilleurs étudiants. Mais l'on peut douter qu'une hausse de salaire suffirait à changer cela, à plus forte raison si la carotte vient avec le très gros bâton qui consisterait à abolir la sécurité d'emploi.

Je ne connais pas un pays où les enseignants du primaire et du secondaire doivent se contenter durant toute leur carrière de contrats à durée déterminée (de trois à cinq ans, propose la coalition) et à se voir évalués tous les deux ans au risque de se faire jeter à la rue. Même les professeurs d'université, partout en Occident y compris dans les meilleures universités américaines, bénéficient de la permanence après un certain nombre d'années!

Au Québec, toutes les entreprises syndiquées, y compris la nôtre, garantissent la sécurité d'emploi à leurs salariés une fois réussie une période d'essai, et nul n'a jamais prétendu que cela nuisait à la productivité et décourageait le talent. Les pigistes qui vont de petit boulot en petit boulot dans l'incertitude du lendemain sont-ils plus créateurs? Pas sûr.

Le problème central du système rêvé par M. Legault, c'est qu'on ne peut évaluer l'individu qui travaille avec des êtres humains comme on évalue un pilote ou un soudeur dans une fabrique de conserves.

Il n'y a pas de formule idéale. Dans les universités, les professeurs sont évalués par leurs pairs, une formule qui a le mérite d'éviter l'arbitraire, mais qui comporte plusieurs effets pervers, dont les retours d'ascenseurs.

La coalition veut octroyer ce pouvoir discrétionnaire au directeur d'école, lequel jugerait la « motivation » et la «performance» de l'enseignant... en fonction des résultats des élèves ! C'est d'une naïveté à faire pleurer en plus d'être injuste, car il y a, dans tous les milieux, de mauvaises classes. Le moins malin des enseignants comprendra vite qu'il a intérêt à hausser les notes de ses élèves, de la même façon que le ministère relève les moyennes des examens nationaux pour se donner une meilleure image