La campagne électorale est à peine amorcée, on peut encore s'amuser un peu, non? Pourquoi pas un petit exercice de «politique-fiction»?

La campagne électorale est à peine amorcée, on peut encore s'amuser un peu, non? Pourquoi pas un petit exercice de «politique-fiction»?

Voici un scénario peu probable, mais pas totalement invraisemblable: le Parti libéral s'effondre... et le Bloc québécois devient l'opposition officielle, comme ce fut le cas entre 1993 et 1997.

Si jamais Gilles Duceppe nourrit des velléités de quitter la scène fédérale, il se retrouverait dans ce cas coincé pour longtemps à Ottawa. Homme de devoir, il ne pourrait se dérober à la responsabilité d'assumer la direction de l'opposition, d'autant plus qu'il n'y a au Bloc aucune personnalité d'envergure susceptible de jouer pleinement ce rôle. L'ancien syndicaliste Pierre Paquette, efficace dans des dossiers sectoriels, n'a jamais démontré des qualités de leadership, et Serge Ménard, homme brillant s'il en est un, a annoncé son retrait de la politique.

Pourquoi n'y a-t-il pas de relève à la tête du Bloc? Est-ce parce que ce parti, promis à l'opposition perpétuelle, a surtout attiré des seconds couteaux? Est-ce parce que l'autoritaire Gilles Duceppe a fait le vide autour de lui? Quoi qu'il en soit, si ce petit scénario de politique-fiction se concrétise, M. Duceppe succéderait à Lucien Bouchard comme le second souverainiste affublé du titre de chef de l'opposition officielle de sa Très Gracieuse Majesté... forcé d'oeuvrer à la bonne marche de la fédération canadienne dans un rôle de premier plan!

Pour cela, il faudrait que le PLC de Michael Ignatieff poursuive sa chute. Le parti détient actuellement 77 sièges, et si l'on en croit le dernier sondage Nanos, il n'a que huit points d'avance sur le NPD, qui compte 36 députés. Tous les sondages montrent que la cote des libéraux est encore plus basse que sous la direction de Stéphane Dion. Si M. Ignatieff n'arrive pas à redresser le bateau, son parti pourrait perdre nombre de voix sur son flanc gauche au profit du NPD... et en perdre sur son flanc droit au profit des conservateurs.

Le NPD, maintenant. Nanos le place à 20%, un pourcentage qui, selon le collègue L. Ian Macdonald qui s'y connaît très bien en arithmétique électorale, correspond à 43 sièges - soit le meilleur score de son histoire, réalisé en 1988 sous la direction de l'ancien chef Ed Broadbent. Jack Layton en est peut-être à sa dernière campagne, mais il reste populaire. Les Canadiens ne veulent peut-être pas voir le NPD au pouvoir, mais nombre de libéraux désenchantés pourraient bien lui donner leur vote.

Si, par ailleurs, le Parti conservateur continue à avoir le vent dans les voiles et réussit à faire de grosses percées en Ontario au détriment du PLC, ce dernier pourrait s'effondrer au point de devenir le troisième parti à la Chambre des communes.

Et pendant que ce scénario se déroule du côté des partis fédéralistes, que fait le Bloc? Il n'a pas besoin de faire grand-chose! Il n'a qu'à tendre son escarcelle pour engranger des voix au Québec.

À la dissolution de la chambre, le Bloc comptait 47 députés, soit seulement sept de moins qu'au scrutin de 1993...

En 1993, il y avait cinq partis importants en lice, le Reform de Preston Manning ne s'étant pas encore fusionné avec ce qui restait de la débâcle post-Mulroney du Parti conservateur. Cette année-là, c'est la division de la droite qui a permis l'émergence du Bloc comme opposition officielle, les libéraux de Jean Chrétien étant pour leur part portés au pouvoir avec une solide majorité.

Cette fois-ci, c'est à la division de la gauche que le Bloc devrait son statut d'opposition officielle.

Un scénario peu probable, comme je disais, mais pas totalement invraisemblable...