Le dernier épisode de l'affligeante saga du CHUM soulève des questions troublantes. Comment se fait-il que la concurrence n'ait pas joué pour l'octroi d'un contrat aussi majeur que la construction d'un hôpital de 1,2 milliard$?

Le dernier épisode de l'affligeante saga du CHUM soulève des questions troublantes. Comment se fait-il que la concurrence n'ait pas joué pour l'octroi d'un contrat aussi majeur que la construction d'un hôpital de 1,2 milliard$?

Comment expliquer qu'Accès santé CHUM, l'autre consortium qui avait soumissionné, se soit mis hors-jeu en outrepassant la limite budgétaire établie par le Conseil du Trésor? Comment croire que des firmes aussi aguerries dans les travaux publics que Pomerleau, Verreault, Groupe Lemay ou Jodoin Lamarre Pratte, aient sottement bousillé leurs chances d'obtenir le contrat du siècle?

Il se trouve que ce même consortium a obtenu le contrat de construction du Centre de recherches du CHUM, un projet connexe de moindre envergure. Les deux firmes se seraient-elles partagé le pactole, ce qui serait illégal?

Peut-être autre chose s'est-il passé. Accès santé CHUM est un consortium regroupant surtout des firmes québécoises, alors que le consortium resté en lice est constitué de firmes étrangères. Le premier groupe était sans doute mieux renseigné sur les problèmes inhérents à ce chantier hasardeux, puisque ses décideurs, ses experts et ses professionnels vivent à Montréal. Ces derniers savaient-ils des choses qu'ignorait le consortium étranger? Accès santé se serait-il désisté volontairement pour ne pas s'embarquer dans ce qui apparaissait, à l'analyse, comme un projet impossible à mener à l'intérieur des limites budgétaires de Québec?

Question corollaire: pourquoi Axor, la seule firme québécoise qui a déjà fait partie du consortium gagnant (par défaut), s'en est-elle retirée? Les gens d'Axor avaient-ils des raisons de craindre l'aventure?

Au final, ce sera donc CHUM Collectif, un consortium constitué de firmes surtout européennes qui héritera de la tâche. Cela aussi pose problème. Non pas qu'il faille s'opposer, en cette ère d'échanges planétaires, à l'attribution de contrats à des sociétés étrangères. C'est le prix à payer pour que nos Bombardier et nos SNC-Lavalin continuent d'oeuvrer à l'étranger.

Mais comme il s'agit ici d'un hôpital bâti en PPP, dont l'entretien sera assumé pendant 30 ans par le constructeur, on peut s'interroger sur les rapports qu'entretiendront les autorités de l'hôpital et le gérant des murs.

Un hôpital est une structure plus complexe qu'une autoroute. Quand il s'agira de réparations ou de rénovations majeures, un constructeur-gestionnaire composé de gens qui n'ont pas de racines à Montréal sera-t-il aussi sensible aux demandes de l'hôpital qu'un groupe dont les décideurs ont des parents parmi la clientèle du CHUM?

De telles décisions ne sont pas prises par des robots ni en fonction de pures formules mathématiques. Un ingénieur dont la mère est soignée au CHUM y pensera à deux fois avant de s'opposer à la modernisation de l'équipement, mais aucune considération autre que strictement financière n'entrera en jeu si la décision est prise à Londres ou à Madrid.

Ô ironie, alors que les Québécois sont exclus de la conception du chantier du CHUM et devront se contenter de sous-contrats, le consortium qui bâtit l'hôpital universitaire de McGill comprend une grande firme québécoise (SNC-Lavalin)!

Alors que la construction de l'hôpital francophone ne débutera que le mois prochain, à McGill, le chantier est en pleine activité... depuis neuf mois!

Selon une compilation de La Presse Canadienne, le CHUM coûtera 166% plus cher que prévu lors du lancement du projet en 2000 (il faut dire que depuis, l'emplacement a changé), et ce, pour un hôpital qui contiendra 22,8% moins de lits que le projet initial. À McGill, les dépassements de coûts durant la même période n'ont été que de 34%, pour un hôpital dont seulement 7,5% des lits ont été rognés.

Il y a quelque chose qui ne marche pas au CHUM mais cela, hélas, on le savait depuis longtemps.