Le gouvernement Charest veut que d'ici cinq ans, tous les élèves de la sixième année du primaire reçoivent des cours intensifs d'anglais de février à juin, l'enseignement des matières au programme étant concentré entre septembre et janvier.

Le gouvernement Charest veut que d'ici cinq ans, tous les élèves de la sixième année du primaire reçoivent des cours intensifs d'anglais de février à juin, l'enseignement des matières au programme étant concentré entre septembre et janvier.

L'idée est bonne. Exception faite des leaders syndicaux des enseignants, toujours portés à la grogne, cette idée devrait faire consensus, car elle court d'ailleurs depuis assez longtemps. La Commission sur l'avenir du français, présidée par Gérald Larose, en avait parlé, et au Parti québécois, on jongle depuis quelques années avec ce genre de formule.

Mais il va falloir procéder très prudemment. L'extension de cette réforme à la totalité des élèves est dangereuse.

Nombre d'enfants de sixième, en particulier ceux qui viennent de familles défavorisées et ne bénéficient d'aucun soutien culturel au foyer, n'ont pas acquis une connaissance correcte du français. La superposition d'une langue seconde sur une langue maternelle déficiente risque d'entraîner des confusions qui en feront de faux bilingues - des gens qui parlent mal les deux langues. Rappelons-le, l'apprentissage d'une langue seconde se bâtit sur la base de la langue maternelle.

Problème connexe et incontournable: un enfant incapable de suivre le programme régulier sera, à plus forte raison, incapable de suivre le programme concentré prévu pour la première partie de l'année scolaire, lequel sera, par définition, deux fois plus exigeant.

D'ailleurs, on notera que les premières expériences déterminantes de l'immersion linguistique (effectuées par des chercheurs de McGill durant les années 70), si elles avaient été très positives, avaient été réalisées non pas dans un milieu mixte, mais à Saint-Lambert, une ville cossue, où l'on peut présumer que les élèves venaient de familles assez cultivées pour épauler les enfants.

À la commission scolaire du Lac Saint-Jean, où 16 des 21 écoles offrent ce programme d'immersion, on sélectionne les élèves en fonction de leurs capacités scolaires. C'est cet exemple que devrait suivre le gouvernement.

Le fait de présenter aux élèves la période d'immersion comme un privilège qui doit se mériter pourrait même avoir un effet stimulant sur les élèves doués, mais paresseux: pour avoir la chance d'apprendre l'anglais, ils voudront peut-être consentir quelques efforts de plus... et leurs parents pousseront à la roue!

Que faire pour permettre aux enfants qui ont des difficultés scolaires d'apprendre eux aussi l'anglais? Des formules de rattrapage au niveau du secondaire? Des périodes particulières prélevées sur le programme régulier? Il y a certainement des avenues auxquelles on pourrait réfléchir.

L'autre grand défi concerne la compétence des enseignants. Au gouvernement, on semble enfin avoir compris que la langue seconde doit être enseignée par des profs dont c'est la langue maternelle, et la ministre Beauchamp envisage enfin la solution qu'impose le bon sens: la session d'anglais se fera dans les écoles anglaises voisines, ce qui présentera l'immense avantage pédagogique d'immerger les enfants dans un milieu authentiquement anglophone, où tout le monde, du concierge à l'enseignant, parle anglais.

Il va de soi que la chose sera impossible dans les localités dépourvues d'écoles anglaises. La ministre a promis que Québec «importera» des enseignants d'Ontario et en formera de nouveaux. Bien. Mais il faudrait aussi ouvrir les vannes, et accorder à des anglophones qualifiés l'autorisation d'enseigner même s'ils n'ont pas le sacro-saint brevet.

Ce projet va réveiller les corporatismes du monde de l'enseignement. Espérons que le gouvernement, pour une fois, sera capable de les affronter sans fléchir.

Il est absurde que si peu de francophones soient bilingues, dans une province où existe un réseau scolaire anglophone développé, et que le gouvernement n'ait jamais utilisé les ressources du milieu anglophone pour favoriser l'apprentissage de la langue seconde.