Un couteau est un couteau. Un couteau ne passe pas les détecteurs de métal. Point à la ligne.

Un couteau est un couteau. Un couteau ne passe pas les détecteurs de métal. Point à la ligne.

Aussi faut-il approuver les services de sécurité de l'Assemblée nationale d'avoir exigé que les quatre représentants de l'Organisation mondiale des sikhs du Canada déposent les kirpans qu'ils portaient à la ceinture - une provocation analogue à celle des cowboys qui se promènent revolver sur la hanche, dans les États américains qui permettent le port des armes non dissimulées.

On dira que ces quatre hommes ne représentaient pas un danger réel et qu'il est infiniment probable qu'ils n'auraient pas dégainé une fois admis dans la salle de la commission parlementaire où ils voulaient témoigner. Bien d'accord.

Mais est-ce que Céline Lamontagne, qui a dû remiser un couteau suisse de six centimètres à l'entrée du parlement alors qu'elle venait déposer un mémoire au nom de la CSN, est-ce que Céline Lamontagne, donc, représentait un danger pour la sécurité? Et moi, est-ce que j'avais l'air d'une terroriste, lorsqu'à l'aéroport de Shanghaï, en septembre dernier, l'agent de sécurité a confisqué le minuscule ciseau à manucure que j'avais oublié de placer dans ma valise?

Il y a une limite aux accommodements raisonnables, et les sikhs fondamentalistes l'ont outrepassée depuis longtemps.

Il était déjà parfaitement abusif que la Cour suprême leur permette de porter le turban dans la GRC. Si l'on tient à vivre avec un turban, on prend un emploi dans l'entreprise privée. Ils ont atteint le summum du ridicule en réclamant d'être dispensés du port du casque de protection au port de Montréal.

Et malheureusement, la Cour suprême en a remis en permettant au jeune Gurbaj Singh, un adolescent que son père a traîné par pur fanatisme dans une bataille juridique de cinq ans au risque de compromettre ses études, de porter ce poignard cérémonial qui aurait fort bien pu être représenté symboliquement par un pendentif.

Incidemment, si la Cour suprême a exigé que le kirpan admis dans les écoles soit enfoui dans une gaine portée sous les vêtements, pourquoi diable permettrait-on à des hommes adultes, dont on présume qu'ils sont en principe plus dangereux qu'un enfant de 12 ans, de se promener avec un poignard à la ceinture?

Personnellement, je n'ai pas une vision «mur à mur» des accommodements raisonnables. Il y en a que je refuse. Il y en a, par contre, que je trouve tout à fait sensés, ou simplement justifiables par la compassion et la tolérance; ces valeurs sont, au même titre que la laïcité, fondatrices de toute démocratie moderne et pluraliste.

Ainsi, je suis en partie d'accord avec nos amis sikhs, dans leur opposition au projet de loi 94 que discutait ce jour-là la commission parlementaire.

Bien évidemment, je n'ai rien contre l'article qui exige que tous les employés de l'État travaillent à visage découvert. Cela va de soi.

Ce qui me choque, et c'est d'ailleurs ce qui motive les réserves exprimées cette semaine par la Commission des droits de la personne, c'est l'article concernant les usagers. Il ouvre la porte à la possibilité qu'une femme portant le niqab se voit refuser des services de santé ou d'éducation, comme cela s'est déjà produit dans deux classes de francisation. Une stigmatisation inacceptable, qui va accroître la solitude et l'enfermement de ces femmes vulnérables.

En démocratie, tous - immigrants comme citoyens - ont droit aux services publics sauf s'ils représentent un risque pour la sécurité. Or, le voile, contrairement au kirpan, n'est pas une arme. Il blesse nos sensibilités, il heurte le sens commun, il constitue un détestable symbole d'asservissement, mais il ne représente pas un danger pour autrui.