L'octroi d'un prix Nobel de la paix peut être à double tranchant. C'est certainement le cas de celui que vient de recevoir Liu Xiaobo. Certes, cet honneur sert la cause des dissidents chinois en exposant leur traitement inique à la face du monde. Par contre, cela aggrave le sort de Liu Xiaobo lui-même, qui purge actuellement une peine de 11 ans de prison pour «incitation à la subversion»: il se trouve dorénavant privé des visites de sa femme Liu Xia, qui a été assignée à résidence.

L'octroi d'un prix Nobel de la paix peut être à double tranchant. C'est certainement le cas de celui que vient de recevoir Liu Xiaobo. Certes, cet honneur sert la cause des dissidents chinois en exposant leur traitement inique à la face du monde. Par contre, cela aggrave le sort de Liu Xiaobo lui-même, qui purge actuellement une peine de 11 ans de prison pour «incitation à la subversion»: il se trouve dorénavant privé des visites de sa femme Liu Xia, qui a été assignée à résidence.

La Chine avance à son propre rythme et ne tolère pas les pressions de l'extérieur. L'intrusion de l'étranger ne sert qu'à la braquer et à ralentir son mouvement vers l'ouverture. Il y a deux raisons à cela: la réaction prévisible d'un régime qui reste dictatorial, et aussi la mémoire ancienne, celle de la Chine pré-Mao, humiliée et dépecée pendant près d'un siècle par les puissances européennes avant de subir l'invasion sanglante du Japon.

Néanmoins, l'orgueilleuse colère de la Chine, face à l'«intrusion» de la Norvège dans ses affaires internes, masque la volonté de changement réel qui s'est manifestée dans le pays bien avant l'octroi du Nobel, et ce, au plus haut niveau de l'État.

Nul autre que le premier ministre lui-même, Wen Jiabao, a livré ces derniers mois pas moins de sept discours où il en appelle à l'instauration des libertés politiques. Il a reçu l'appui de 23 dirigeants retraités du Parti communiste (le parti se confondant avec le gouvernement), qui ont signé une lettre collective réclamant la fin de la censure et l'introduction de la liberté de parole.

«Les libertés de parole et de presse dont nous jouissons sont inférieures à celles de Hong Kong à l'époque du colonialisme britannique», disent les «23», sur un ton étonnamment ferme, quand on pense aux débats feutrés qui marquent normalement la vie du PC. L'événement est d'autant plus important que les principaux initiateurs de cette lettre sont Li Rui, ancien secrétaire particulier de Mao Tse Tong, et Hu Jiwei, l'ancien directeur du Quotidien du Peuple, l'organe officiel du PC.

La lettre a été écrite avant l'octroi du Nobel à M. Xiaobo, mais rendue publique tout récemment. Lors d'une récente interview à CNN, M. Wen a réitéré que «le désir et le besoin du peuple pour la démocratie et la liberté sont irrésistibles». Détail intéressant, dans un pays où même les journaux indépendants sont étroitement surveillés, le Southern Weekend a pu publier le texte intégral de l'interview de M. Wen. Au même moment, une centaine d'intellectuels dissidents ont pris le risque d'écrire une lettre ouverte réclamant la libération de Liu Xiaobo et de sa femme.

La machine est en marche, à l'évidence. Mais tout aussi évidemment, et comme on pouvait s'y attendre, elle se heurte à de gigantesques résistances au sein de l'appareil d'État. Selon les correspondants étrangers, de féroces débats feraient rage parmi les neuf membres du Politburo (dont M. Wen fait partie).

Une dure lutte de pouvoirs se déroulerait derrière les portes closes entre les partisans de l'ouverture et les tenants du statu quo, notamment quant à la question de savoir par qui seront remplacés le premier ministre Wen et le président Hu Jintao, qui doivent prendre leur retraite en 2012. Les partisans de la ligne dure militeraient pour la candidature à la présidence du vice-président Xi Jinping. Mais le clan des progressistes dispose d'un atout majeur: M. Wen est le politicien le plus populaire du pays...