L'ineptie du ministère des Transports a beau être connue depuis longtemps - preuve irréfutable: l'état de la voirie au Québec -, on ne peut lui être totalement antipathique dans le dossier de l'échangeur Turcot. Sur cette question, en effet, c'est la Ville de Montréal qui a démontré une affligeante immaturité en sortant du chapeau, après trois ans d'atermoiements, un projet improvisé et non chiffré - qui plus est, un plan sorti d'un ordinateur et privé de la maquette en trois dimensions qui permettrait d'en juger.

L'ineptie du ministère des Transports a beau être connue depuis longtemps - preuve irréfutable: l'état de la voirie au Québec -, on ne peut lui être totalement antipathique dans le dossier de l'échangeur Turcot. Sur cette question, en effet, c'est la Ville de Montréal qui a démontré une affligeante immaturité en sortant du chapeau, après trois ans d'atermoiements, un projet improvisé et non chiffré - qui plus est, un plan sorti d'un ordinateur et privé de la maquette en trois dimensions qui permettrait d'en juger.

L'administration montréalaise est bien malvenue de reprocher au MTQ de surévaluer le coût de son projet. C'était à elle de le chiffrer si elle voulait qu'on le prenne au sérieux.

Ce carrefour relie quatre autoroutes et voit passer quelque 300000 véhicules par jour. Il constitue la principale source d'approvisionnement alimentaire et industriel de Montréal. Il est le passage obligé des usagers de l'aéroport et sera l'une des principales voies d'accès aux futurs hôpitaux universitaires montréalais, qui sont tous deux près de l'autoroute Ville-Marie et desserviront l'ensemble de la région.

Or, pour redessiner ce carrefour qui servira de pivot routier majeur pour les cinq prochaines décennies, l'administration municipale a accouché d'un projet idéologique inspiré par la haine mono-maniaque que voue M. Bergeron à tout ce qui roule sur quatre roues. Bien entendu, ce projet a suscité un enthousiasme délirant chez tous ceux, fort nombreux, qui rêvent de transporter la campagne à la ville et qui se fichent éperdument de la vocation commerciale de Montréal tout autant que des besoins réels des habitants de la grande région métropolitaine.

Le plan prévoit la réduction des voies, de 18 à 10, et la diminution consécutive de 35% du trafic routier, qui sera limité à 180 000 véhicules. À ce projet plus vert que vert, il ne manque que des pots de fleurs et des pigeonniers.

Le plan Bergeron-Tremblay prévoit une construction en hauteur, sur le modèle du vieil échangeur: la construction sera plus coûteuse, plus problématique et plus longue, alors que la structure actuelle tombe en ruines. Elle compte 160 000 mètres d'ouvrages surélevés, le plan Bergeron-Tremblay en prévoit 241000!

Pire, ce sera un échangeur circulaire, ce qui allongera exponentiellement les bouchons déjà provoqués par la réduction des voies, comme le savent tous ceux qui connaissent les giratoires français et se sont déjà trouvés pris dans les files interminables de voitures et de poids lourds attendant leur tour d'entrer dans les ronds-points qui parsèment les zones industrielles des villes françaises. Les ronds-points (qui surgissent maintenant partout même dans les plus petits villages français) sont des mines d'or pour l'industrie de la construction, mais ce sont des ralentisseurs naturels de trafic.

Nos édiles prévoient-ils le déclin commercial et démographique de Montréal? Pensent-ils que les maraîchers et les producteurs de biens meubles vont transporter leurs marchandises à vélo ou dans le tramway qu'on veut greffer à l'échangeur? Veulent-ils que Montréal perde sa vocation aéroportuaire? S'imaginent-ils qu'une navette (à l'état imaginaire) éliminera le transport routier lié à l'aéroport? Croient-ils que la proportion de banlieusards va diminuer? Je serais bien la première à le souhaiter, mais cela n'arrivera pas, quand un bon logis familial du Mile-End coûte près d'un demi-million.

Nos édiles veulent-ils refouler vers la banlieue les industries montréalaises qui dépendent du transport routier? Encourager les banlieusards à cesser de venir à Montréal pour s'instruire, se distraire ou travailler? Si l'aller-retour de l'aéroport et la traversée des ponts deviennent infernaux, comment survivra l'industrie culturelle de Montréal dorénavant privée de touristes et des clients de la banlieue?

Le flot routier ne diminuera pas. Quelles routes alternatives emprunteront les véhicules? Bonjour la congestion dans les rues...