Revenons un instant sur la question des hassidim, dont on a beaucoup parlé récemment à propos du calendrier scolaire. Forment-ils une simple secte, comme le prétendent plusieurs lecteurs qui reprochent aux médias de les avoir qualifiés de juifs? Peut-on les voir comme un groupe d'immigrants dont l'inéluctable destin serait de s'assimiler à la majorité québécoise?

La réponse aux deux questions, c'est non. Les hassidim sont à des années-lumière des juifs laïques ou peu pratiquants qui forment la majorité de la communauté juive montréalaise, mais aussi marginaux soient-ils, ils sont aussi juifs que les amish ou les Témoins de Jéhovah sont chrétiens. Loin d'être une secte contemporaine inopinément surgie d'un cerveau dérangé, comme les raéliens ou l'Ordre du Temple solaire, les hassidim sont l'une des anciennes composantes du judaïsme. Les nazis ne s'y sont pas trompés. Les hassidim, plus vulnérables parce que plus visibles, ont été parmi leurs toutes premières victimes.

 

Les hassidim, par ailleurs, ne sont pas des immigrants. Ils sont installés à Montréal et dans d'autres endroits comme Boisbriand depuis des décennies. L'extraordinaire obstination qu'ils mettent à recréer la vie telle qu'elle se déroulait dans les shtetls (villages) de l'Europe de l'Est du XVIIIe siècle les empêchera toujours de s'intégrer au reste de la société, et ils ne sont pas à la veille de disparaître, grâce à leur taux élevé de natalité et au fait que sauf exception, et par un phénomène de rétention assez peu commun, les jeunes, loin de quitter la communauté, reproduisent le mode de vie de leurs parents.

Ne nous imaginons pas que l'apprentissage des matières de base en vigueur au Québec, un processus qui sera facilité par le changement au calendrier scolaire, va bouleverser l'ordre des choses. Les horaires allongés leur permettront de continuer à consacrer la majeure partie de leur temps aux études religieuses et aux rituels exubérants qui marquent leurs fêtes. À la rigueur, cela permettra aux jeunes hassidim de trouver du travail à l'extérieur des petites entreprises de leur communauté (les hassidim sont plutôt pauvres) et peut-être, aussi, de faciliter à ceux qui voudraient fuir la communauté d'être un peu mieux armés pour s'intégrer au vaste monde contemporain.

C'est une réalité avec laquelle doit vivre une société pluraliste. Il y aura toujours, en son sein, des groupes qui voudront s'en exclure. La particularité des communautés hassidiques est que, contrairement aux moines, aux amish ou aux hutterites qui vivent cloîtrés derrière des murs ou à la campagne, dans des villages isolés, les hassidim se sont implantés en ville... ce qui, bien évidemment, entraîne une foule de frictions. Il n'est pas anormal que leurs voisins soient irrités par certains de leurs comportements. À Jérusalem, ils sont l'épine au pied de leurs concitoyens. L'Israélien moyen en aurait d'ailleurs bien plus long à dire sur eux que l'Outremontois moyen, car si les hassidim de la diaspora ne font aucun prosélytisme et ne se soucient aucunement de ce qui se passe chez les «Gentils», il n'en va pas de même en Israël, où les hassidim jouent un rôle politique et essaient d'imposer leurs coutumes à une société nominalement juive, mais majoritairement fort peu dévote.

Comme me l'écrit une lectrice (qui avoue que les hassidim «lui tapent parfois sur les nerfs»), «contrairement aux islamistes, les hassidim n'ont aucune volonté d'imposer leur vision du monde et leurs lois au reste de la société. Ils ne sont pas violents. Ils ne veulent que vivre en paix dans leur coin.»

Autre chose à savoir, l'hassidisme comporte plusieurs «branches». Tout dépendant de la lignée des rabbins auxquels ils se rattachent, certaines communautés sont plus ouvertes que d'autres.