Nouvelle tuile sur le Parti libéral: la femme de son ancien chef refuse de donner sa voix «à un parti qui risque de finir dans les poubelles de l'histoire» et dont le chef actuel ne serait bon qu'à «naviguer dans les cocktails»!

Janine Krieber, la femme de Stéphane Dion, croyait ne parler qu'à ses «amis» de Facebook quand elle s'est livrée à des confidences explosives où l'amertume de la défaite se mêle à une agressivité débridée envers l'homme qui a succédé à son mari.

 

Pour une politologue spécialisée en terrorisme et en sécurité (!), Mme Krieber était étonnamment naïve si elle s'imaginait que ses propos ne sortiraient pas d'un cercle restreint. Quand elle les a retirés, ils avaient déjà fait le tour du pays...

De Michael Ignatieff, elle se demande si «quelqu'un peut écrire toutes ces insanités et nous faire croire qu'il a tout simplement changé d'idée?». Les «insanités» dont parle Mme Krieber n'en sont pas. Ce sont de mauvais jugements (notamment sur l'Irak ou la torture «light»). Personnellement, j'ai toujours cru qu'il avait tort, mais en 2003, un certain nombre de personnalités fort honorables partageaient son opinion, notamment le socialiste Bernard Kouchner, aujourd'hui ministre des Affaires étrangères de France.

Mme Krieber accuse les «élites torontoises» qui ont soutenu la campagne d'Ignatieff de «n'avoir pas lu ses livres» et de s'être «contentées de son habileté à naviguer dans les cocktails». C'est injuste. Les opinions litigieuses de M. Ignatieff sont connues depuis qu'il a mis le pied au PLC, en 2006, et il n'y a pas un journal qui ne les ait citées en long et en large. Et pourquoi donc exclure que M. Ignatieff soit sincère lorsqu'il dit qu'il a changé d'idée sur ces sujets?

On comprend la frustration de Mme Krieber devant le fait qu'aujourd'hui, la cote du PLC est de trois points plus basse qu'à l'époque où son mari le dirigeait. Mais cette sortie sans dignité n'aidera pas Stéphane Dion, qui est toujours député d'une circonscription sûre, à retrouver une place de choix au sein d'un éventuel cabinet libéral. Même si rien n'indique qu'il partage toutes les opinions de sa femme, la bouffée de colère de Madame sera retenue contre lui. Les conjoints sont toujours tenus au devoir de réserve.

Cela dit, il est loin d'être évident qu'un conseil des ministres libéral soit à l'horizon. On le sait, ce ne sont pas les partis de l'opposition qui gagnent, mais les gouvernements qui se battent eux-mêmes. Or, la cote du gouvernement Harper reste très élevée. Il se pourrait que les libéraux n'aient aucune chance de regagner le pouvoir d'ici quelques années, et ce, quel que soit leur chef.

Même si M. Ignatieff et son entourage réussissaient à corriger le tir, le PLC est à bout de souffle pour la raison suivante: son fonds de commerce, de Pearson jusqu'à Chrétien, ce fut la création de nouveaux programmes sociaux. Or, aujourd'hui, le filet de sécurité sociale a presque atteint sa pleine mesure; il ne reste aujourd'hui sur la table à dessin que des projets de régimes d'assurance médicament et de garderies (lesquels existent au Québec). Compte tenu des contraintes budgétaires, il n'y a plus grand-chose que les libéraux peuvent inventer pour accroître le rôle de l'État.

En bon universitaire, M. Ignatieff mise sur une conférence de «grands penseurs» qui aura lieu à Montréal, début janvier, et mettra en présence divers experts de sensibilité libérale. Ce sera certainement un exercice intéressant, mais les retombées électorales risquent d'être assez limitées.