L'être humain est-il de trop sur cette Terre? Il faut croire que oui, si l'on en juge par le dernier rapport du Fonds des Nations unies pour la population (UNFPA).

«Chaque naissance, nous apprend-on, entraîne non seulement les émissions imputables à ce nouvel être durant tout le cours de sa vie, mais aussi les émissions produites par tous ses descendants.»

 

Oh là là! Vous doutiez-vous, heureux parents, que votre poupon pouvait causer de tels maléfices? Que ce fragile bébé va émettre plus de GES qu'une grosse vache charolaise? Et qu'à terme, lui et ses petits compagnons de pouponnière seront plus dommageables pour la planète que les sables bitumineux d'Alberta?

En cerveaux bien conditionnés, nous étions prêts à nous passer de viande, à fabriquer du fumier dans nos cuisines avec nos restes de nourriture, à déménager dans des abris de bois chauffés par le soleil, à nous passer de four et de frigo et à nous alimenter de feuillage cru sans vinaigrette (l'huile d'olive et le citron étant cultivés trop loin d'ici), à nous arracher les yeux et à nous empoisonner au mercure en lisant à la lumière d'ampoules fluocompactes, à payer 10 fois plus cher pour des éoliennes qui produisent 100 fois moins d'électricité que nos barrages, à nous contenter de petits voyages à pied ou en vélo, dans un rayon de cinq kilomètres autour de chez nous, et à faire trois fois par jour une prière pour rendre grâce à Steven Guilbeault, qui veille sur nous tous par l'entremise de Radio-Canada, où il occupe plus de temps d'antenne en une seule semaine que Bernard Derome durant toute sa carrière.

Mais ces bonnes intentions ne suffiront pas. Le mal est profond, il est dans l'existence de la race humaine. Sans elle, la planète se porterait tellement mieux! À défaut de se faire hara-kiri, elle devra donc s'auto-exterminer graduellement. Fermons les garderies, abolissons les congés parentaux, congédions les sages-femmes! Faites l'amour, pas d'enfants... du moins jusqu'au jour où l'on viendra vous dire que la copulation représente une inadmissible dépense d'énergie.

UNFPA est aussi sévère pour les pays développés, dont le taux de natalité est souvent en deçà du taux de reproduction, que pour le tiers-monde, car dans les premiers on consomme davantage... Alors, soumettons-nous, comme à l'époque où les curés réglementaient la natalité. Quel nombre d'enfants par couple serait écologiquement tolérable? Un et demi? Deux et quart? Et que faire des Chinois, à qui leur gouvernement interdit depuis 40 ans d'avoir plus d'un enfant? Faudrait-il les stériliser pour sauver les ours polaires?

Les écolos sont encore plus terrifiants que les curés d'antan. Eux aussi nous annoncent la fin du monde pour demain matin, mais ils nous ont trouvé, à nous pauvres humains, une nouvelle tache originelle: l'empreinte écologique. L'empreinte écologique, c'est comme la vésicule biliaire, on en a chacun une. Imaginez une paire de grosses chaussures cloutées s'enfonçant dans l'asphalte molle du mois d'août, eh bien! c'est encore pire.

Heureusement, le ministère de l'Environnement veille au grain. Au cas où nos petits Québécois seraient tentés de se laisser aller à l'insouciance bienheureuse de l'enfance, on leur a préparé un questionnaire intitulé «Calcule ton empreinte écologique». De quoi les culpabiliser sur une grande échelle, de quoi aussi leur faire juger leurs parents comme d'abominables pollueurs.

Gare à ceux qui vivent dans des maisons individuelles possédant plus de trois robinetteries et du matériel électronique neuf, qui mangent des produits industriels et non locaux, qui ont une grosse auto, qui vont en vacances à l'extérieur du Québec, et qui utilisent plus d'un sac à ordures par semaine! C'est ainsi que l'on fabrique un peuple de petits dévots.

lgagnon@lapresse.ca