On n'avance pas, on tourne en rond. Prenant le relais de l'ADQ, le PQ vient de ressusciter le dossier des accommodements raisonnables - un dossier dont on a discuté ad nauseam pendant deux ans! Ah, mais pourquoi renoncer à un filon aussi rentable électoralement?

Quand même, on pouvait croire que le PQ aurait résisté à la tentation d'exploiter un thème qui peut si facilement mener à la xénophobie.

 

En 2007, quand Mario Dumont a fait son blé d'une série d'incidents relativement insignifiants dont certains étaient de pures constructions médiatiques, le PQ s'était abstenu de jeter de l'huile sur le feu. Il faut dire que le parti était alors dirigé par André Boisclair, un homme ouvert aux minorités, et qui avait la fibre cosmopolite.

C'était avant que la théorie du «nous» (comme dans «nous'autres» versus «les autres») ne devienne la bouée de sauvetage d'un parti en déclin dans les sondages. C'était avant que ses dirigeants et anciens chefs (à l'exception de MM. Boisclair et Johnson) aillent se prosterner devant l'autel de Pierre Falardeau, un homme qui, sur le plan politique, incarnait l'extrême violence verbale, la haine sectaire et la complaisance envers le terrorisme - tout ce que René Lévesque abhorrait.

Les souverainistes ont hurlé quand le président Sarkozy les a accusés, à mots couverts, d'être «sectaires». Et puis, quelques mois plus tard, voici que Bernard Landry, un ancien premier ministre et le prototype même du péquiste bon teint, déclare que Pierre Falardeau, l'incarnation même du sectarisme politique, a toujours dit tout haut ce que lui, Landry, pensait tout bas. Que faut-il en déduire?

On ne s'étonnera donc pas de voir Pauline Marois et ses députés reprendre le filon hérouxvillien. Oh, bien sûr, tout cela se fait sous le noble couvert de la laïcité et l'égalité des sexes. C'est à croire que le Québec profond aurait basculé tout d'un coup dans le culte d'une laïcité rigide et abstraite... comme si la déesse «laïcité» avait remplacé le Sacré-Coeur! Ce nouvel intégrisme laïc serait-il une façon «politiquement correcte» d'exprimer le rejet viscéral de minorités trop visibles?

Bizarre: les mêmes qui se pâment sur le dalaï-lama et ses croyances archaïques entrent en transes, au nom de la laïcité, à la vue d'un foulard islamique ou d'un chapeau hassidique... (Mais attendez qu'un gouvernement s'avise de décrocher le crucifix à l'Assemblée nationale!)

Le PQ a repêché dans le bassin des idées mort-nées celle d'établir une hiérarchie entre les droits - une chose qui ne se fait dans aucune instance internationale et que la plupart des juristes réprouvent. Comme s'il fallait choisir entre la liberté de pensée et les droits des femmes tels qu'ils sont définis par ces dames du Conseil du statut de la femme! Dans une société démocratique, ce sont les tribunaux, non pas les politiciens ni les militants de tout acabit, qui doivent déterminer, selon le contexte, quel droit peut avoir préséance dans les cas où il y a conflit entre les droits.

Il n'y a rien de surprenant à ce que le CSF, qui suit, sous la houlette de Christiane Pelchat, une ligne féministe surexcitée, réclame que l'égalité entre les sexes ait préséance sur tous les autres droits. Mais pourquoi le PQ, un parti dont on attend un peu de sérieux, s'engage-t-il dans cette voie? Croit-il vraiment que quelques intégristes marginaux risquent de démolir les prodigieux acquis du féminisme au Québec?

Au fait, il y a un détail qu'on oublie dans ce débat oiseux: les chartes de droits sont faites pour protéger les minorités, pas les majorités.