Des élections? Fort bien, mais pourquoi? Parce que le gouvernement Harper n'a rien fait contre la pluie qui a gâché les vacances de juillet? Parce que la pelouse est plus belle au 24, Sussex qu'à Stornoway? Parce qu'à 62 ans, on n'a pas de temps à perdre si l'on veut faire deux mandats comme premier ministre?

Je blague, bien sûr, mais le fait est que quatre ans après son entrée en politique et huit mois après son élection à la tête du PLC, on ne sait toujours pas exactement de quel bois se chauffe Michael Ignatieff, ni quelles raisons pressantes motiveraient le renversement du gouvernement.

 

Pour mieux gérer la crise économique? Allons donc. Le gros de la crise est passé, et le gouvernement Harper l'a gérée de la façon dont l'opposition le réclamait, en jetant des masses de fric dans toutes les directions.

Pour assurer la relance? Mais avec quelles recettes miracles?

Pour punir le gouvernement Harper de la crise des isotopes? C'est là un très grave problème, assurément, mais les précédentes administrations libérales ont une bonne part de responsabilités dans ce désastre.

Le rapatriement d'Omar Khadr? Certes, l'obstination du gouvernement Harper dans ce dossier est absolument scandaleuse mais soyons sérieux, il n'y a pas là de quoi convoquer le peuple aux urnes.

L'assouplissement des règles de l'assurance emploi? Inexplicablement, c'est sur ce thème mineur, et d'un intérêt secondaire pour la majorité des électeurs, que M. Ignatieff s'est accroché depuis des mois, à la traîne d'une vieille croisade du Bloc. Outre qu'il s'agisse là d'un projet extraordinairement coûteux et bancal (ce n'est pas en dépensant plus en prestations d'assurance chômage qu'on crée des emplois), ce n'est certainement pas une question qui justifierait des élections!

Alors, changer de gouvernement pour changer de style, pour changer la mentalité gouvernementale et l'approche des problèmes? Voilà un début de réponse. Effectivement, M. Ignatieff, de même que nombre de ses collaborateurs de premier plan (Bob Rae par exemple), sont plus cultivés, plus raffinés, d'esprit plus cosmopolite que la haute gomme du Parti conservateur. Cela a une incidence sur les politiques, notamment sur les questions internationales et les domaines de la recherche et de la culture. Un gouvernement Ignatieff serait marqué par une sensibilité urbaine, une sensibilité torontoise pour tout dire, ce qui constituerait une nette différence par rapport à la mentalité dominante des Tories, plus proche de la culture semi-rurale du «Canada profond». Mais cela justifie-t-il un branle-bas de combat même pas un an après les dernières élections?

Cela dit, Michael Ignatieff reste un objet volant assez mal identifié, au Québec encore davantage que dans le reste du pays. Il est si peu connu qu'à en croire un sondage de Léger Marketing, seulement 14% de Québécois lui feraient confiance... contre 23% à Jack Layton, et ce, même si le PLC devance considérablement le NPD dans les intentions de vote!

M. Ignatieff n'a pas profité de l'été pour se faire mieux connaître et pour lancer quelques idées qui l'auraient défini au-delà des voeux pieux. C'était pourtant la chose à faire s'il avait l'intention de faire tomber le gouvernement à l'automne. Mais en avait-il vraiment l'intention?

Au moment où il proclamait son intention de défaire le gouvernement, il avait encore l'intention d'aller en Chine... une tournée qu'il a annulée en catastrophe quand on lui a fait remarquer que c'est au Canada, pas à Shanghai, que vivent ses électeurs. S'est-il résolu à enfiler ses gants de boxe in extremis, simplement pour ne pas se faire accuser d'indécision, comme Stéphane Dion avant lui? Tout cela sent l'improvisation et c'est de mauvais augure.

lgagnon@lapresse.ca