Meilleur acteur, Sean Penn dans le rôle de Harvey Milk. Meilleur scénario, celui de Dustin Lance Black pour Milk...

Deux Oscars qui valent leur pesant d'or pour la communauté gaie américaine, tout particulièrement en Californie, où les adversaires du mariage entre conjoints de même sexe ont remporté une courte victoire en novembre dernier. La Cour suprême de l'État se penchera cette semaine sur la proposition 8, qui a été entérinée par 52% des électeurs.

 

Dans l'excitation entourant la victoire de Barack Obama, on a oublié que ce même jour en était un de deuil pour les gais et lesbiennes, qui se voyaient abruptement retirer le droit au mariage octroyé six mois auparavant en vertu d'une décision de la Cour suprême californienne. Le triomphe de Milk, qui célèbre la vie du premier édile ouvertement homosexuel de l'histoire américaine, a eu l'effet d'un baume.

Seuls deux États, le Massachusetts et le Connecticut autorisent le mariage entre conjoints de même sexe. Et les mariages célébrés ailleurs ne sont reconnus que dans deux autres États, New York et New Mexico. Une disparité qui limite singulièrement la mobilité des couples gais. À quoi leur servirait-il de venir se marier au Canada, si de retour chez eux, leur mariage n'est reconnu nulle part, ni par les hôpitaux, ni par les employeurs, ni dans les polices d'assurance?

On ne le répétera jamais assez, le mariage gai est une cause d'ordre symbolique. La majorité des gais ne tient pas nécessairement à se marier. Mais l'octroi de ce droit, même si l'on ne s'en prévaut pas soi-même, est un signe d'acceptation, une reconnaissance officielle et publique.

Les États-Unis sont loin d'être prêts à emboîter le pas à leur voisin du nord. Barack Obama, d'ailleurs, est contre le mariage gai - de toute façon, la question relève des États. M. Obama s'est toutefois dit en faveur de l'union civile. La généralisation de l'union civile dans tous les États est le maximum que les gais américains puissent espérer à moyen terme.

Il faut dire que le concept du mariage gai est loin d'être accepté en Occident. C'est une avancée très récente, à laquelle bien des esprits ne sont pas prêts, ce qui devrait suffire à cesser d'accuser d'homophobie ceux qui y résistent.

Seuls six pays ont légalisé le mariage entre conjoints de même sexe: les Pays-Bas en 2001, la Belgique en 2003, le Canada, l'Espagne et l'Afrique du Sud en 2005 et la Norvège en 2008. La Grande-Bretagne et la France y restent réfractaires.

Mais les choses bougent. La chape de plomb qui, il n'y a pas si longtemps, recouvrait cet amour qui n'osait dire son nom, qui avait mené Oscar Wilde en prison et faisait de la sodomie un crime au Canada jusqu'en 1968, cette chape de plomb qui a jeté tant d'adolescents au bord du suicide, elle fond peu à peu. Lentement, mais elle fond.

Même en France, une société beaucoup plus conservatrice que le Québec, des personnalités de haut niveau se sont publiquement déclarées homosexuelles, dont le maire de Paris, Bertrand Delanoë, et le ministre Roger Karoutchi, qui doit son «coming out» au soutien de Nicolas Sarkozy.

Ce dernier, alors ministre de l'Intérieur, l'avait invité à passer deux jours dans sa villa en lui disant, devant une dizaine de témoins: «Naturellement, Roger, tu arrêtes les bêtises et tu viens avec ton ami!» Depuis, il a toujours été invité aux réceptions officielles de l'Élysée avec son compagnon. C'est ainsi, par petites secousses, que les choses changent...