L'avocate de la fameuse Lola, Me Anne-France Goldwater, a bien tenté de transformer ce procès spectaculaire en cause-type visant à octroyer aux conjoints de fait des protections analogues à celles que la loi accorde aux couples mariés. L'objectif était original: il s'agissait de métamorphoser un procès d'assez bas étage - un procès où la cupidité le disputait au règlement de comptes - en une noble croisade destinée à protéger les mères seules et autres laissées-pour-compte du marché des amants!

Souhaitons que la cour oppose une fin de non-recevoir à cette tentative d'amener l'État, par le biais des tribunaux, à imposer aux conjoints de fait les mêmes droits et obligations qu'aux gens mariés.

 

Rappelons le calvaire de Lola. Elle réclame une pension alimentaire pour elle-même, soit une cinquantaine de millions de dollars... lesquels s'ajouteraient au demi-million de dollars par année (net d'impôt) qu'elle reçoit pour les trois enfants dont elle a la garde partagée, et à de multiples autres privilèges, dont une demeure princière payée par Monsieur et tout un personnel de maison rémunéré par Monsieur.

Ne soyons pas méchants, ne nous demandons pas quel serait le train de vie de Lola si elle avait dû gagner sa vie sur le marché du travail, et passons au coeur du sujet.

La loi, dans le cas des cohabitations, ne prévoit de pension alimentaire que pour les enfants, pas pour les conjoints de fait. Ces derniers seraient nombreux, paraît-il, à ne pas comprendre les conséquences de leur choix? Dommage, mais «nul n'est censé ignorer la loi». Ce serait encourager l'irresponsabilité que de demander à l'État de protéger des gens qui font des enfants sans réfléchir à ce qui adviendrait lors d'une rupture.

D'ailleurs, si l'État imposait le modèle du mariage aux conjoints de fait, beaucoup, parmi ceux-là, auraient vite fait de le regretter, à cause de la loi sur le patrimoine familial.

Au divorce, les biens constituant ce patrimoine (maison, chalet, auto, fonds de retraite) sont divisés en deux, indépendamment de la contribution financière de chacun. C'est une loi issue de l'époque révolue où l'épouse «au foyer» devait être protégée comme une mineure. Ironiquement, la loi pénalise aussi les femmes, car à l'heure où elles accèdent enfin à l'autonomie financière, elles sont obligées de partager le fruit de leur travail avec un ex-époux qui pourrait être un parasite... ou avoir investi toutes ses économies en dehors de ce qui constitue le patrimoine familial, par exemple à la Bourse ou dans son entreprise.

Comble de l'hypocrisie, la ministre Monique Gagnon-Tremblay s'est prévalue de la période de dérogation offerte en 1989-1990 aux couples déjà mariés pour se soustraire à la loi qu'elle avait elle-même pilotée!

Le pire, c'est que cette loi rétrograde ignore la réalité de plus en plus répandue des familles recomposées et des remariages. Les enfants d'un premier mariage se retrouvent spoliés en cas de divorce ou de décès sans testament, puisque la part du patrimoine de leur père ou mère va automatiquement à l'ex-conjoint. Tout testament, y compris celui par lequel un parent laisserait sa part du patrimoine à ses enfants d'un premier mariage, pourrait être contesté devant les tribunaux par le conjoint survivant.

Tout cela est d'autant plus dommageable que le Québec a déjà le record canadien des couples non mariés, le Québec étant le seul endroit au Canada (voire dans les sociétés occidentales) où la majorité des enfants (62% en l'occurrence) naissent d'unions libres. Le caractère contraignant de la loi sur le patrimoine familial a probablement incité bien des couples à s'abstenir de se marier.