Bon diagnostic, que celui de Louise Harel sur l'état de Montréal. Dans une interview exclusive avec notre collègue Éric Clément, l'ex-ministre péquiste des Affaires municipales déplore la «désorganisation» municipale, notamment celle qui découle du fractionnement de la ville en 19 arrondissements.

Montréal, dit-elle, a été transformé en «une fédération de quasi-villes», sous le regard résigné du maire Tremblay qui n'a jamais trouvé le moyen de s'opposer à la loi par laquelle le gouvernement Charest a modifié, en 2003, la charte de Montréal pour donner naissance aux arrondissements.

 

Il s'agissait, rappelons-le, d'une tentative assez désespérée de retenir les villes de la banlieue ouest, fusionnées contre leur gré sous le gouvernement Bouchard, en leur faisant miroiter le statut d'arrondissement. Du coup, il fallait octroyer le même statut aux districts de l'ancienne ville de Montréal...

Résultat: d'une pierre, deux (mauvais) coups. Les citoyens des petites villes prospères ont quand même voté pour la défusion... et les Montréalais sont restés pris avec ces structures inutiles et coûteuses.

«Les arrondissements ont été créés sur le modèle des villes de banlieue», dit Mme Harel. Les présidents d'arrondissement sont devenus des maires élus au suffrage universel. Des maires qui ont des pouvoirs beaucoup trop étendus. «Ils ont tous des cabinets, des budgets de relations publiques et font même des relations internationales. Même le directeur général de l'arrondissement n'est plus choisi par la ville-centre.»

Quelle erreur! Montréal est surgouverné, tant en bas qu'en haut, car au sommet de l'organigramme touffu de la métropole, on compte un «conseil d'agglomération», lui-même chapeauté d'une «communauté métropolitaine», sans compter la pléthore d'organismes régissant les transports.

On dira que Paris a bien 20 arrondissements... La comparaison ne tient pas. Outre qu'il n'est pas indiqué de copier les structures politiques d'un pays notoirement surgouverné (la France compte des milliers d'édiles élus et nommés), le pouvoir des maires d'arrondissements parisiens est très limité. Ils ont un pouvoir consultatif sur les initiatives affectant l'arrondissement, et n'ont un pouvoir décisionnel que sur des questions mineures (cantines scolaires, attribution de logements sociaux, etc.). Paris reste une ville unifiée, extraordinairement bien gérée, et dont la propreté ferait rougir tout Montréalais. La voirie, les parcs, l'équipement urbain, la collecte des déchets, les grands projets culturels, l'urbanisme et le patrimoine, tout cela relève de la ville-centre.

Les Montréalais, par contre, savent ce que leur coûtent ces fiefs inutiles que se sont bâtis des petits «maires» en mal de pouvoir. Non seulement ces structures dévorent-elles une partie cruciale du budget d'une agglomération qui est l'une de plus pauvres au Canada, mais elles empoisonnent l'existence quotidienne. Une partie des maux de Montréal part de là, des problèmes du déneigement aux parcomètres, en passant par le niveau catastrophique de la voirie, la pire incohérence étant la dévolution aux arrondissements de la protection du patrimoine et du plan d'urbanisme.

Mme Harel souhaite avec raison que Montréal se «recentralise». Elle songe à recréer, dans ce but, la vaste coalition des progressistes francophones, anglophones et allophones qui avait donné naissance, il y a 35 ans, au Rassemblement des citoyens de Montréal.

Cette talentueuse politicienne est trop jeune pour prendre sa retraite, et Montréal a certainement besoin de toutes les bonnes volontés qui existent encore. Souhaitons néanmoins que la coalition dont rêve Mme Harel ne tombe pas dans les travers du RCM, qui, une fois au pouvoir, a perdu son élan dynamique pour tomber dans les marais abstraits de la technocratie. Le diagnostic de l'ancienne ministre est bon, mais il ne faudrait pas que le remède soit pire que le mal.