Tous les Européens sont amoureux de Barack Obama. Il est temps qu'ils lui prouvent leur amour en acceptant l'effort de guerre que ce dernier s'apprête à leur demander en Afghanistan! Cela permettrait au Canada, qui a déjà fait plus que sa part, de se retirer des zones dangereuses où ses troupes sont stationnées depuis trop longtemps.

Décision contestable, le président américain entend en effet doubler le nombre des soldats américains en Afghanistan, comme l'a fait (malheureusement trop tard) l'administration Bush en envoyant en Irak des renforts considérables qui ont fini par pacifier le pays.

 

La décision est contestable, car il est loin d'être sûr que l'augmentation des contingents de l'OTAN puisse venir à bout des fléaux qui rongent l'Afghanistan. Ce pays n'a rien à voir avec l'Irak, qui était, malgré la dictature sanguinaire de Saddam Hussein, un pays développé, avec une classe moyenne éduquée et un régime laïc - une raison de plus qui rendait l'invasion américaine totalement injustifiée. L'Afghanistan, par contre, est une terre de misère engluée dans des traditions médiévales, en proie au commerce du pavot, aux clans tribaux et à l'obscurantisme religieux. Le gouvernement Karzaï, impotent et corrompu jusqu'à l'os, n'est qu'une créature de l'étranger.

Et les troupes de l'OTAN, malgré leurs efforts de reconstruction qui sont toujours à recommencer, ne sont même pas bienvenues; une récente enquête commanditée par l'OTAN montre que le quart des Afghans estime que les attaques contre les soldats de l'OTAN sont justifiées et que seulement 47% des Afghans soutiennent la coalition internationale (près de deux fois moins qu'en 2005).

M. Obama, quand même réaliste, a réduit ses attentes. «Nous ne pourrons pas reconstruire l'Afghanistan sur le modèle d'une démocratie jeffersonienne», dit-il. C'est en effet le moins qu'on puisse dire. Mais faut-il vraiment intensifier l'effort militaire, alors que nombre d'experts estiment que la mission a atteint son objectif premier, qui était d'éradiquer les foyers de terrorisme islamiste? Les camps terroristes ont été détruits. La menace, aujourd'hui, s'est déplacée au Pakistan, qui est devenu, potentiellement, le pays le plus dangereux de la planète...

Même l'envoyé spécial des États-Unis, Richard Holbrooke, considère que l'Afghanistan serait plus difficile à pacifier que l'Irak, à quoi le général Petraus, responsable des troupes américaines sur les deux fronts, ajoute que «la situation sécuritaire s'est détériorée depuis deux ans». Et l'on prévoit un accroissement de la violence à l'approche des élections prévues en juin. Sacrifier des hommes dont c'est le métier, oui - quand cela en vaut la peine, quand il y a à l'horizon un objectif légitime et réaliste. Mais autrement...

Cet impossible fardeau est essentiellement porté par trois pays (les États-Unis, la Grande-Bretagne et le Canada), alors que les Européens, cantonnés dans les zones les plus calmes, s'abstiennent de participer aux combats. Si l'OTAN doit rester en Afghanistan, c'est au tour des Français, des Allemands et des Italiens d'assurer la relève.

Selon une vaste enquête de Léger Marketing réalisée par les Forces armées entre le mois de juin 2007, alors que le premier contingent de Valcartier entrait en action, et le mois de mai dernier, les Québécois ont continué massivement (à hauteur de 78%) à appuyer les troupes, tout en manifestant de fortes réserves sur la mission, à laquelle 61% s'opposaient au départ, la proportion augmentant de 5% au fil du temps. Mais malgré les 100 décès canadiens, incluant les 10 qu'a coûtés cette mission au Québec, les citoyens n'ont pas dramatisé outre mesure la situation, puisque, comme on l'a vu, et contrairement à ce que certains prévoyaient, cela n'a pas été un enjeu de la dernière élection fédérale.