Lorsque Barack Obama fut élu à la tête de la Harvard Law Review, en 1990, il était le premier Noir à accéder à la direction de la prestigieuse revue de la faculté de droit de Harvard.

Or, contrairement aux attentes des étudiants et des juristes noirs, qui s'attendaient à être favorisés, Obama allait se tenir bien loin de toute velléité d'«affirmative action» ou de discrimination à rebours. Il se fit un devoir de choisir ses collaborateurs en fonction de leur compétence, sans égard à la couleur de leur peau. On se souvient aussi de lui comme d'un conciliateur-né, capable de jeter des ponts entre les «libéraux» et les «conservateurs» qui se disputaient le contrôle idéologique de la revue.

 

Cela laisse croire que le futur président placera le mérite (la compétence) au-dessus de toute autre considération lorsqu'il procèdera à des nominations, et qu'il saura travailler en collaboration avec ses adversaires.

On prévoit d'ailleurs que son élection ramènera nombre de personnalités d'envergure à la fonction publique. Durant le règne républicain, ceux qu'on appelait du temps de Kennedy «the best and the brightest» choisissaient les affaires plutôt que la politique, plus spécifiquement le domaine financier, tellement plus rémunérateur.

Il se trouve que le marché financier n'est plus une voie enviable... et que la présence, à la Maison-Blanche, d'un intellectuel progressiste qui aime prendre conseil agira comme un aimant pour y attirer la matière grise. Mais là s'arrête la comparaison avec le règne de JFK.

Obama, un nouveau Kennedy? L'idée est assez tordue, car les deux hommes n'ont rien de comparable, si l'on exclut la rhétorique, la jeunesse et le charme - et le fait qu'ils furent l'objet de «premières»: le premier catholique, puis le premier Noir, à accéder à la présidence.

Seule la force du mythe Kennedy, un mythe alimenté par sa mort tragique, explique qu'Obama ait tenu à se présenter comme son émule (en allant notamment faire un grand discours à Berlin), car à vrai dire, le court bilan de Kennedy n'a rien de si reluisant.

Il a présidé à la désastreuse invasion de la baie des Cochons, et au début de la guerre du Vietnam. Sous son règne, la CIA a fomenté un coup d'État sanglant en... Irak, lequel a pavé la voie au parti Baath de Saddam Hussein!

Son expérience avec Nikita Khrouchtchev, cependant, devrait servir de leçon à Barack Obama, qui a déjà dit vouloir rencontrer le président iranien Ahmadinedjad sans conditions préalables.

Contre l'avis de ses conseillers, Kennedy avait naïvement tenu à rencontrer le dirigeant soviétique face à face, sans que le terrain eût été préparé par des diplomates. La rencontre, en juin 1961, à Vienne, fut une catastrophe. Face à un Khrouchtchev brutal et agressif, Kennedy perdit tous ses moyens. Khrouchtchev rentra chez lui en bombant le torse, persuadé que le leader du «monde libre» n'était qu'un faible. Deux mois plus tard, l'URSS faisait ériger le mur de Berlin, et l'année suivante, installait des missiles nucléaires à Cuba.

Nonobstant la naïveté qui lui avait fait croire qu'une conversation d'homme à homme pourrait «apaiser» Nikita Khrouchtchev, Kennedy, un anticommuniste viscéral, fut l'un des premiers artisans de la guerre froide, alors qu'Obama est un «multilatéraliste» peu enclin à diviser le monde en «bons» et en «méchants».

Sur le plan intérieur, Kennedy a encouragé le mouvement des droits civils, mais c'est son successeur, Lyndon B. Johnson, qui a promulgué la fin de la ségrégation, en 1964.

Certains amateurs de comparaisons vont même jusqu'à voir en Michelle Obama la réplique de Jackie Kennedy! C'est ridicule. La première, avocate et militante convaincue, qui s'exprime avec une familiarité populiste à la limite de la vulgarité, parlant des chaussettes sales de son mari et émaillant ses phrases de «y'a know» (l'équivalent de notre «t'sais»), est l'exact contraire de la seconde - une patricienne raffinée aux goûts de luxe qui ne s'est jamais passionnée pour la politique. Même quant à l'apparence, qu'auraient donc en commun Michelle Obama (six pieds, une ossature d'athlète et une présence imposante) et la délicate Jackie, tout en subtile élégance?