La Communauté métropolitaine de Montréal a payé 687000$ pour se donner un slogan - «Le Grand Montréal: un espace pour se réaliser» (sic) -, et un logo: un «M» à cinq couleurs aux formes boursouflées qui fait penser à un hochet pour bébé ou à un sac de Smarties.

En comparaison, le «M» jaune de McDonald's, plus fin et unicolore, est d'une exemplaire sobriété et fait beaucoup plus distingué. C'est dire...

 

«Un espace pour se réaliser» ! Fallait-il vraiment embaucher quatre firmes de consultants et dépenser plus d'un demi-million de dollars pour accoucher d'une telle niaiserie?

L'espace, on en a tout plein dans la région métropolitaine, le problème c'est qu'on met n'importe quoi dedans. Compte tenu de cette dernière initiative, il aurait été plus réaliste que la CMM s'identifie comme «un espace pour dépenser en futilités l'argent qui devrait aller à la réfection des routes et aux projets porteurs».

N'importe. La présidente sortante de la chambre de commerce, Isabelle Hudon, ne tarit pas d'éloges sur le geste de la CMM. «Un exercice de branding est une réflexion, c'est la définition d'une mission, de ce qu'on est, et d'une vision, soit ce qu'on veut devenir...» Voilà énoncé, en quelques mots, tout le drame de Montréal: du verbiage prétentieux recouvrant des initiatives d'une navrante kétainerie.

Revenons sur terre. Ce n'est pas le Grand Montréal qui a besoin «d'espace pour se réaliser». C'est le CHUM qui est, lui, à court d'espace et ne pourra «se réaliser» là où la politicaillerie, la mentalité étriquée des fonctionnaires du MSSS et le militantisme à courte vue d'une certaine gogauche l'ont envoyé.

Selon le conseil des médecins, dentistes et pharmaciens de l'hôpital, selon la Fédération des médecins spécialistes - tout de même des gens qui s'y connaissent en la matière - les plans sous-estiment les besoins: il manque une centaine de lits et au moins une quinzaine de salles d'opération. Et le parking, déjà trop étroit, vient encore d'être revu à la baisse. Des 1500 places prévues au début, on est maintenant rendu à 800. Ce n'est pas un détail, quand on parle d'un hôpital de soins tertiaires où convergeront chaque jour de grands malades, leurs familles, et des milliers d'employés.

Mais évidemment, on fait avec ce qu'on a. Or, on le sait, l'espace dans lequel le CHUM se trouve confiné, un espace limité par une autoroute et des bâtiments patrimoniaux, au coeur d'un des plus anciens quartiers d'un centre-ville déjà congestionné, cet espace donc est insuffisant pour les besoins futurs de ce qui devrait être le fleuron de la médecine francophone en Amérique.

Tous les experts l'avaient prévu: il est trop compliqué et trop coûteux de rénover le vieil immeuble de Saint-Luc. On compte maintenant le démolir au complet. Mais une excavation de cet ordre, qui nécessitera du dynamitage sur une grande échelle, au sein d'un quartier densément bâti et dont le sous-sol est notoirement fragile, est très risquée. Si risquée, en fait, que les firmes qui auraient été intéressées à soumissionner à ce projet de partenariat public-privé s'apprêtent, nous apprenait notre collègue Denis Lessard, à demander des provisions très importantes.

Les coûts continuent à enfler, et tout cela pourquoi? Pour un hôpital sans trop d'envergure qui devra déléguer une partie de ses services à des cliniques privées avoisinantes et à cet autre hôpital vétuste qu'est Notre-Dame.

Pendant ce temps, McGill s'apprête à construire son hôpital universitaire dans un grand terrain vierge, sans contraintes d'ordre géographique ou urbanistique. Le CHUM pourrait bénéficier des mêmes avantages s'il était construit sur le site, très vaste et bien plus central que celui de Saint-Luc, de l'ancienne gare de triage du CP à Outremont.

Le déclenchement d'élections offre une issue inespérée.

La bisbille est telle, au CHUM, que les travaux ne pourront pas commencer avant Noël. Si le premier ministre Charest est réélu le 8 décembre à la tête d'un gouvernement majoritaire, libéré des querelles partisanes et de son ancien ministre Couillard qui avait fait dérailler le projet Outremont, il aurait alors la force politique nécessaire pour imposer le déplacement du CHUM - l'étape nécessaire pour la réalisation d'un projet porteur pour Montréal et le Québec.